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la préparation des chefs-d'œuvre.

sont dignes de Desportes : l’original est italien, et la traduction en rend à merveille l’afféterie brillante. La consolation à Du Périer (1599) et l’ode à Marie de Médicis (1600) marquent une meilleure manière, et plus originale. Malherbe suit son siècle : il marche vers la simplicité et vers le naturel ; ses vers ont cette abondance aisée, cette mollesse aimable, ces vives couleurs qui sont les qualités communes de la littérature au temps de Henri IV. Une touche plus ferme, certains accents de vigueur, et surtout la beauté achevée du travail révèlent la personnalité de l’écrivain. La Prière pour le roi allant en Limousin, par la douce allure de la strophe fleurie d’images, n’est encore que la perfection du style des Montchrétien et des Bertaut : mais déjà dans l’ode sur l’attentat de Jacques des Isles (1606), plus sensiblement dans l’ode sur le voyage de Sedan (1607), le style se serre, se tend ; les images se ramassent en traits énergiques et précis ; l’effort de l’artiste qui veut égaler son expression à sa pensée se trahit par une sorte de brusquerie nerveuse ; cette poésie forte, pleine, un peu dure, trouvera ses plus complètes expressions dans la Paraphrase du Psaume CXLV et dans l’Ode à Louis XIII allant châtier la Rebellion des Rochelois (1628).

Voilà le progrès de Malherbe, qui aboutit à la création du style dont la première génération des classiques du xviie siècle usera. Il n’avait pas un tempérament très riche. Chapelain estime qu’il « a ignoré la poésie », et le met, pour le génie naturel, au-dessous de Ronsard, ce qu’accordent aussi La Bruyère et Boileau. En effet, si l’on regarde les quatre mille vers qu’il a écrits, ce n’est ni l’abondance des idées, ni la force de l’imagination, ni la profondeur du sentiment qu’on y peut admirer. Ce poète lyrique n’a

    à 1598 et, de 1599 à 1605. En 1600, à Aix, il offrit son Ode déjà de bienvenue à Marie de Médicis. En 1605, Des Yveteaux le présenta au roi, à qui Du Perron l’avait loué, et sur la recommandation de Henri IV, le grand écuyer, M. de Bellegarde, donna une charge d’écuyer du Roi au poète, qui fut aussi gentilhomme de la chambre. Il fut bien traité de la régente, qui lui donna une pension. Il était assez âpre solliciteur, et savait se faire payer de ses vers. Louis XIII lui donna 500 écus pour un sonnet, et Richelieu le fit trésorier de France. Séparé amicalement de sa femme, qui vivait en Provence, les grands chagrins lui vinrent par son fils Marc-Antoine, qui se fit condamner à mort pour duel, et qui, à peine gracié pour cette affaire, était tué dans une autre querelle en 1626 : le vieux Malherbe poursuivit énergiquement le meurtrier et ses compagnons, qu’il accusait d’assassinat. Il mourut en 1628.

    Éditions : Œuvres, Paris, 1630, in-4 ; éd. Lalanne (coll. des Grands Écrivains), Hachette, 5 vol. in-8, 1862. — À consulter : Sainte-Beuve, Poésie au xvie siècle, Roux-Alpheran, Recherches biographiques sur Malherbe, Aix, 1840, in-8. De Gournay, Étude sur la vie et les œuvres de Malherbe (Mém. de l’Acad. de Caen), 1852. A. Gasté, la Jeunesse de Malherbe, Caen, 1890, in-8. G. Allais, Malherbe, 1891. F. Brunot, la Doctrine de Malherbe, Paris, 1891, in-8. F. Brunetiére, la Réforme de Malherbe et l’évolution des genres. Revue des Deux Mondes, 1er décembre 1892. Arnould, Anecdotes inédites sur Malherbe, supplément de la vie de Malherbe par Racan, Paris, 1892. V. Bourrienne, Malherbe. Points obscurs et nouveaux de sa vie normande. Paris, in-8, 1896.