vement, en un sens rétrograde, de la littérature aristocratique, romanesque, précieuse, qui écartera pour un temps de l’idéal classique. Le temps de Henri IV est donc comme un relais qu’il nous est impossible de brûler.
Regardons d’abord les individus et les œuvres dans leur propre et personnel caractère. Il nous suffira de saluer Olivier de Serres[1], le gentilhomme protestant, qui ne céda qu’un instant aux passions de la guerre civile, et donna tout le reste de son existence à la culture de son domaine. Le seigneur du Pradel, qui ne perdit jamais de vue l’intérêt national dans sa laborieuse activité de propriétaire rural, et dont le livre fut un bienfait public, a mérité des statues, plutôt qu’une place dans notre histoire littéraire. Il écrit d’un bon style, avec une simplicité sérieuse, sans flamme et sans éclat. Il faut être agriculteur pour le lire, et s’y plaire.
Au lieu que, sans être économiste, on sera charmé de Montchrétien[2] : son traité d’Économie politique, remis en lumière dans ces dernières années, est une des belles œuvres du temps. Comment ce gentil poète des dames de Caen, cet artiste faiseur de tragédies poétiques, ce bretteur qui se fit chef de bandes huguenotes
- ↑ Olivier de Serres, né en 1539, à Villeneuve-de-Berg, en Vivarais, protestant, prit
part à la surprise de sa ville natale, qui fut suivie d’affreux massacres, en 1573 :
c’est la seule fois qu’on le voit mêlé aux guerres civiles. Il s’enferma ensuite dans
sa terre du Pradel, qu’il cultiva. Il prépara pendant trente ans son Théâtre d’agriculture.
Outre plusieurs séjours qu’il fit à Paris, il visita sans doute l’Allemagne, l’Italie
et l’Espagne. Il mourut en 1619.
Éditions : la Cueillette de la soie, Paris, in-8, 1599 ; Théâtre d’agriculture et Ménage des champs, Paris, Jamet Métayer, 1600, in-fol. ; Paris, 1804, 2 vol. in-4. — À consulter : H. Baudrillart, Olivier de Serres, Revue des Deux Mondes, 15 oct. 1890. H. Vaschalde, Olivier de Serres, sa vie et ses travaux, 1886. L’abbé Chenivesse, Olivier de Serres et le Massacre du 2 mars 1573, 1889.
- ↑ Antoine de Montchrétien, né vers 1575, fils d’un apothicaire de Falaise. Un
duel l’obligea de quitter la France vers 1605. Il était rentré en France en 1611, ayant
vu la Hollande, outre l’Angleterre. Il établit des aciéries à Ousonne-sur-Loire, puis à
Châtillon-sur-Loire, dont il devint gouverneur. On l’a dit protestant : il semble qu’il
ait été catholique. Cependant il se jeta dans la révolte des protestants. Il ne put tenir
Sancerre contre le prince de Condé, puis essaya de soulever la Normandie, et fut tué
au bourg des Tourailles (7 oct. 1621) par le seigneur du lieu, Claude Turgot.
Éditions : les Tragédies, Rouen, in-8, s. d. (1601) ; Rouen, 1604 ; réimprimées par M. Petit de Julleville, Paris, Pion, 1891 (Bibl. elzév.) ; Traité de l’économie politique, Rouen, in-4, s. d. (1615) ; réimprimé par Funck Brentano, Paris, Pion, 1889. — À consulter : éd. Petit de Julleville, Notice bibliographique, p. xliii-xlvii ; G. Lanson, la Littérature française sous Henri IV, Antoine de Montchrétien, Revue des Deux Mondes, 15 sept. 1891.