Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
234
renaissance et réforme avant 1535.

gens, qui n’avaient de grec que le nom, et, s’ils savaient à peu près leur langue nationale, étaient tout à fait incapables de l’enseigner. Budé s’adresse au Spartiate George Hermonyme ; Érasme rencontre un Grec affamé, Michel Pavius, qui le fait payer très cher : tous les deux, après quelques leçons, renoncent à rien tirer de leurs professeurs.

En 1500 paraissent à Paris les Adages d’Érasme ; c’est toute la lumière de l’antiquité qui se répand à flots sur le monde : dans ce petit livre est ramassée la quintessence de la sagesse ancienne, la fleur de la raison d’Athènes et de Rome, tout ce que la pensée humaine suivant sa droite et naturelle voie peut trouver de meilleur et de plus substantiel, avec cette forme exquise et simple qui s’était perdue depuis tant de siècles. À l’apparition des Adages, tous les esprits qui cherchaient et attendaient se sentirent comme inondés de la grâce de l’antiquité. Peu après 1500, Henri Estienne commence à imprimer des livres latins. En 1502. Budé traduit en latin un traité de Plutarque. En 1504 ou 1505, Le Fèvre d’Étaples explique la grammaire grecque de Théodore Gaza au collège de Coqueret. Jérôme Aleandre, Jean Lascaris arrivent d’Italie. En 1507, Tissard édite chez Gourmont le premier livre grec qui ait été imprimé à Paris, cet informe et touchant liber gnomagyricus, ou éclate à la fois tant d’ignorance et de bonne volonté. Puis on publie une grammaire, un dictionnaire, en 1523 deux chants de l’Iliade, en 1528 sept tragédies de Sophocle. Cependant, dès 1519, Homère a paru en français, il est vrai d’après le latin, dans la version parfois heureuse de Jehan Sanxon ; Le Fèvre d’Étaples, qui a édité et commenté les Épîtres de saint Paul en 1512, traduit en 1524 les Évangiles, en 1530 la Bible. Thucydide, traduit par Claude de Seyssel, parait en 1527. Budé avait renouvelé le droit en 1508 par ses notes sur les Pandectes ; son traité des Monnaies et Mesures anciennes (1544) tournait l’humanisme vers l’exacte érudition.

Il était naturel que ces gens qui’s’étaient faits eux-mêmes, eussent foi en leur esprit, dans la raison humaine qui, en eux, soutenue par la volonté, réglée par la méthode, avait été à la science à travers tous les obstacles. N’ayant pas eu de maîtres, que devait, compter pour eux l’autorité ? Non moins naturellement tous les Thubal Holophernes et les Janotus de Bragmardo des universités enrageaient. La grande révolution pédagogique de l’humanisme, qui se résume dans la substitution de la composition écrite à la dispute orale, mettait les logiciens au désespoir. Mais surtout les théologiens écumaient. Toutes ces langues, l’hébreu, le syriaque, le grec plus encore, leur étaient suspectes : dans les recherches philologiques, dans la simple grammaire, ils flairaient — non sans raison — une odeur d’hérésie, de raison indépendante,