bourg, et n’intéresse aussi que l’histoire de la langue française (fin du ixe siècle). Mais dans la seconde moitié du xe siècle, en même temps que s’établit la dynastie capétienne à qui il appartiendra de faire l’unité française, au moment où la terre féodale commence à se hérisser de châteaux forts, où les architectes romans vont dresser au milieu des villes les masses des grandes églises voûtées, avec la vie nationale s’éveille la littérature nationale : un court poème sur la Passion, une Vie de saint Léger, un peu plus de trois cents vers, voilà les plus anciens monuments de notre poésie, qui, chez nous comme partout, a précédé la prose. Ce n’est rien ou c’est peu de chose, que cette Vie de saint Léger [1] : un mince filet de narration, naïve, limpide, presque plate et presque gracieuse en sa précision sèche. Mais c’est le premier essai de cette intense invention littéraire que dix siècles n’ont pas sans doute encore épuisée : et surtout, il n’y a pas à s’y tromper, c’est quelque chose déjà de bien français.
Qu’est-ce donc que cette âme française, cette chose nouvelle qui se révèle dans cette littérature naissante ? c’est l’affaire des historiens de nous l’expliquer en détail : deux mots suffisent ici. Il a fallu, pour produire cette pauvre forme d’embryon, il a fallu que la population gallo-celtique de la Gaule fût réduite sous la loi de Rome, qu’elle prit les mœurs, la culture, la langue de ses vainqueurs, que l’empire romain et la culture latine, formes vénérables et vermoulues, tombassent eu poussière au contact, non hostile, mais brutal, des barbares, et que les Francs, fondus dans la masse gallo-romaine, y determinasent cet obscur travail, d’où sortirent ces deux choses, une race, une langue française.
La langue, on la connait. Nous n’avons ici qu’a nous représenter les principaux moments d’une évolution qui dura neuf siècles. Les trois facteurs de notre race ont mis leur empreinte, bien inégalement, sur la langue. Rome, après la conquête, importe chez nous ses lois, sa langue, ou plutôt ses langues : elle installe dans les prospères écoles, elle déploie dans l’abondante littérature de la Gaule romaine sa sévère langue classique, ennoblie d’hellénisme,
- ↑ E. Koschwitz, les Plus Anciens Monuments de la langue française. 4e édit., Heilbronn, 1886 ; Cf. K. Bartsch et Horning, la Langue et litt. fr. depuis le ixe s. jusqu’au ixe s., Maisonneuve, 1887.
certains genres ou groupes y sont l’objet de notices générales. — Brunot, Grammaire historique de la langue fr., Masson, 1889. — Burguy, Grammaire de la langue d’oil, 3e édit.. Paris. 1882. 3 vol. in-8o.