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le quinzième siècle.

matérialiste de la fin fatalement assignée aux voluptés égoïstes : terreur des grands, des riches, de tous ceux qui ont et qui jouissent, revanche des petits, des meurt-de-faim, de ceux qui manquent et qui souffrent, dont elle adoucit le désespoir par la satisfaction qu’elle donne à leur férocité égalitaire, la mort inexorable, universelle est un thème que tous les écrivains représentent à leur tour : lieu commun, sans doute, mais lieu commun non banal, où déborde la pensée intime, obsédante de chaque âme. C’est le temps de la Danse Macabre (ou Macabré) ; et dans toutes les œuvres de vers ou de prose, sous une forme ou sous une autre, l’idée génératrice de la Danse Macabre apparaît. Chaque âme, avec le ton de son tempérament, avec une légèreté railleuse, avec un désespoir accablé ou grimaçant, avec une philosophique résignation, avec une joie insultante et pourtant angoissée, chaque âme a dit l’universelle nécessité, le mot qui donne pitié des morts, et fait frissonner les vivants. Charles d’Orléans après Deschamps, Chartier après Gerson, Menot avec Maillard, poètes, orateurs, prédicateurs, nul n’y a manqué.

On les retrouve encore, ces deux sentiments généraux, dans les deux œuvres capitales sur lesquelles s’achève l’indécise époque par où le moyen âge rejoint la Renaissance : dans les œuvres de Villon et de Commynes. Mais ici, la puissance originale de l’individualité les absorbe, et s’y ajoute, soit pour les transformer, soit pour les agrandir.


3. FRANÇOIS VILLON.


François de Moncorbier[1], né en 1431, fut élevé par maître Guillaume de Villon, chapelain de Saint-Benoît-le-Bétourné, dont il prit le nom. Bachelier en 1449, il devint vers août 1452 licencié et maître ès arts. Il habitait chez son père adoptif, où il trouvait une honnête et point trop grave société de gens d’église et, gens de loi. Il fréquenta aussi la maison du prévôt de Paris, Robert d’Estouteville, dont la femme, Ambroise de Loré, « moult sage, noble et honneste dame », faisait bon accueil aux poètes. Voilà un

  1. Éditions : gothique, petit in-4, P. Levet, Paris, 1489 ; Galiot du Pré (éd. de Marot), Paris, 1533 ; Prompsault, 1832 ; Longnon, chez Lemerre, in-8, 1892. — À consulter : A. Lorgnon, Étude biographique sur Fr. Villon, in-8. Paris, 1877 ; M. Schwob, le Jargon des Coquillards en 1455 (Mém. de la Soc. de linguistique de Paris, t. VII, 1890) ; Byvauck. Essai critique sur les œuvres de Fr. Villon, in-8. Leyde, 1882 ; Un Poète inconnu de la société de Fr. Villon, in-12, Paris, 1891 ; M. Schwob, Fr. Villon, Revue des Deux Mondes, 15 juillet 1892. G. Paris, François Villon, 1901