Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
les fabliaux.

Comme il nous a manqué un Dante, nous n’avons pas eu de Chaucer.

Après avoir eu vogue et fécondité au xiiie siècle et au commencement du xive, le genre du fabliau disparut. Il fut remplacé, après un intervalle, par les nouvelles en prose : l’inutilité des vers, du moment qu’on lisait, et l’influence des nouvellistes italiens décidèrent au xve siècle l’emploi de la prose dans les contes de ce genre. Mais le fabliau reparut plus tard, sous une forme artistique, dans le conte en vers de notre littérature classique. Il avait trouvé aussi au xve siècle un héritier dans la farce : héritier de l’esprit plutôt que des sujets, car dans les œuvres qui nous sont parvenues on voit rarement qu’un fabliau ait été repris en farce, comme le Vilain Mire se retrouve dans le Médecin malgré lui. Ce qui a duré, c’est l’esprit du genre qui est une forme de l’esprit de la race, et ainsi reparaissent de temps à autre dans nos farces du Palais-Royal des moyens et des effets dont usaient les auteurs des fabliaux : nos armoires ont remplacé les buffets de nos pères, nos pantalons leurs braies. Ainsi le vaudeville actuel, substitut de la farce, qui elle-même a remplacé le fabliau, peut nous aider à comprendre la nature de ce genre et du plaisir qu’il donnait.