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le naturalisme.

l’univers, ou telles discussions sur le darwinisme[1], d’où nous sortons mieux renseignés sur la valeur générale de la doctrine. Il y a un point où l’histoire se réduit à l’archéologie, qui se confond à son tour dans l’anthropologie ; et la curiosité historique, qui est un des caractères de ce temps, a valu des lecteurs inattendus à des travaux tout à fait techniques[2]. Mais l’œuvre qu’il faut tirer hors de pair, c’est l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale de Claude Bernard[3] : œuvre de science pure qui est définitivement établie comme une œuvre maîtresse de la philosophie contemporaine, et qui joint au large intérêt du fond la solide simplicité de la forme.

Pour la métaphysique et la psychologie, un homme qui reste amateur en philosophie choisira, parmi la multitude des essais historiques, dogmatiques ou critiques, les forts écrits de M. Renouvier[4], les rigoureuses recherches de M. Ribot, les ingénieuses, parfois aventureuses, et toujours littéraires études de M. Fouillée, les très suggestives discussions de Guyau sur les plus troublants problèmes de l’heure présente. De moralistes à l’ancienne mode, nous n’en avons plus : les maximes sont devenues un jeu innocent, sans conséquence et sans portée. Les écrivains qui se sont senti le don de l’observation morale ont émigré en masse vers le roman et le théâtre, pour mettre en action et en drame leur expérience. Quelques-uns ont coulé tout doucement leurs remarques personnelles, leurs conceptions de l’homme et de la vie, dans les formes de l’histoire ou de la critique. Ce que Prévost-Paradol avait fait pour les moralistes français, M. C. Martha[5] l’a fait, très délicatement, pour les moralistes latins ; M. J. Simon, aussi finement et plus malignement, pour quelques contemporains.[6] Arvède Barine[7],

  1. Quatrefages, Broca, etc.
  2. Broca, de Mortillet, sir John Lubbock, etc.
  3. Cl. Bernard (1813-1878). professeur au Collège de France. Son livre est de 1865. La science expérimentale, 1878.
  4. Renouvier (né en 1815) : Essais de critique générale, 4 vol. in-8, 1854-64. — Th. Ribot : Psychologie de l’attention, 1888, in-12 ; les Maladies de la Mémoire (1881) ; les Maladies de la Volonté (1883) ; les Maladies de la Personnalité, 1885, in-18. F. Alcan. — A. Fouillée : la Philosophie de Platon (1869) ; la Liberté et le déterminisme (1873 et 1884) ; l’Idée moderne du droit (1878) ; la Science sociale contemporaine, 1880, in-18, Hachette. — Guyau : Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction ; l’Art au point de vue sociologique ; l’Irréligion de l’avenir, etc.
  5. C. Martha (né en 1820) : les Moralistes sous l’empire romain (1854) ; le Poème de Lucrèce (1869) ; Études morales sur l’antiquité (1883) ; la Délicatesse dans l’art, 1884, Hachette, in-18.
  6. Dans son étude sur Victor Cousin (Hachette, in-16), dans sa Notice sur Michelet et autres lues à l’Institut, dans ses Mémoires des autres (1889). M. Jules Simon (1814-1896) a fait en outre le Devoir (1854), l’Ouvrier (1863), etc. Il a été l’un des principaux orateurs de l’opposition sous l’Empire. Il est secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences morales.
  7. Pseudonyme de Mme  Vincens : Essais et fantaisies (1888) ; Portraits