CHAPITRE III
LA POÉSIE : V. HUGO ET LE PARNASSE
Après 1850 il n’y a plus de classiques. Musset est fini ; Lamartine écrit pour vivre. Sans adversaires et sans rivaux, V. Hugo règne ; il prolonge d’un quart de siècle le romantisme. Grandi par l’exil, déifié par la passion politique, il gagne bien sa gloire, qu’il sait administrer : c’est un robuste ouvrier aux forces intactes, et dans les huit années qui suivent le coup d’État, il donne trois grands recueils de poèmes, définitive expression de son talent.
L’Empire, qui l’a jeté hors de France, lui fournit la matière des Châtiments (1853) : explosion puissante de satire lyrique. Toutes les variétés d émotions et de pensées intimes sont réunies dans les Contemplations (1856) : copieux épanchement de poésie individualiste, et journal, pour ainsi dire, du moi poétique de l’auteur. La philosophie humanitaire de V. Hugo, enfin, d’objective dans la Légende des siècles (1859) : pittoresque galerie de tableaux symboliques. Tout Victor Hugo est dans ces trois recueils : toute son œuvre antérieure s’y ramasse et s’y termine. Toute son œuvre postérieure en est, sauf exception, la répétition ou le déchet.
V. Hugo est maintenant complet : c’est le moment d’essayer, à l’aide surtout de ces trois grandes œuvres, de caractériser l’homme et d’en définir le génie.