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le naturalisme.

ne transigeait pas, c’était la question religieuse ; il représentait l’opinion anticléricale dans le parti bonapartiste, et il combattit toujours vivement le gouvernement lorsqu’il voulut se servir de l’Église ou parut la servir. La guerre de 1870 fit de cet Alsacien un républicain : il se jeta alors avec passion dans le journalisme, où il n’avait été jusque-là qu’amateur. Mêlant ensemble républicanisme, anticléricalisme et patriotisme, il écrivit de brillants articles, où tout l’esprit, toute la sincérité de l’écrivain ne masquent pas certaine maigreur ou étroitesse de la pensée, depuis que l’actualité ne les soutient plus.

Depuis 1870, la presse, débarrassée de toutes les entraves, s’est transformée. Rien n’y maintenait plus certains mérites de style que la présence d’un pouvoir fort, dont il fallait tromper la sévérité ou humilier la brutalité. Mais surtout le beau temps du journalisme littéraire semble passé[1] : l’information prime l’invention.


3. LES ORATEURS POLITIQUES.


Dans le grand nombre des orateurs et des hommes d’État qui soutinrent à la tribune les croyances ou les intérêts de leurs partis[2], il faut distinguer trois hommes, comme représentant les formes supérieures de l’éloquence politique : Thiers, Jules Favre et Gambetta.

Thiers[3] doit beaucoup au second empire. Par sa politique et par sa chute, l’empire fournit à Thiers la plus belle situation que jamais homme d’État puisse rêver : celle où tous les intérêts personnels coïncident avec le bien public et le devoir patriotique, celle où il suffit de s’oublier pour s’élever, de penser à soi pour bien mériter de tous. Tout ce qu’il y avait de petit, d’étroit, d’égoïste dans Thiers disparut par le bénéfice des circonstances ; et il faut dire qu’il ne leur faillit point. Il saisit de toute son intelligence, de tout son cœur le rôle qui lui était présenté ; et tout en lui, défauts et qualités, y servit. À la clarté de sa parole s’évanouissaient les

  1. Jugement un peu sévère et pronostic trop sombre, du moins pour la période de 1870 à 1909 : les noms de Clemenceau et de Jaurès, de Drumont et de Barrès, suffiront à avertir qu’il faut ici une correction. Cependant il est réel que la place du journalisme littéraire se réduit de plus en plus (11e éd.).
  2. M. E. Rouher, ministre d’État de 1863 à 1869 ; et dans l’opposition, MM. E. Picard, J. Simon, Ollivier : ce dernier rallié à l’Empire à la fin de 1869. Depuis 1870, MM. de Broglie, de Muo, à droite ; MM. Dufaure, J. Simon, Challemel-Lacour, Ribot, à gauche ; etc. — À consulter : J. Reinach, le Conciones français, 1894, in-16.
  3. Cf. p. 921. — Thiers redevint député en 1863.