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le naturalisme.

que les uns défendent, ce que les autres attaquent, c’est la propriété, base et symbole à la fois de tout l’ordre établi.

Il s’en faut, encore ici, que tous les directeurs de ces divers mouvements aient droit de figurer dans une histoire littéraire : elle ne doit tenir compte que de quelques hommes, qui ne sont pas toujours les plus grands par la pensée ou les actes.


2. PUBLICISTES ET JOURNALISTES.


La presse du second Empire, soumise à un dur régime de censure, d’amendes et de procès, nous offre trois remarquables tempéraments d’écrivains : Veuillot, Prévost-Paradol, About.

Louis Veuillot[1], d’origine populaire, et qui se cultiva sans s’éloigner du peuple, homme de volonté forte et d’ardente charité, devint catholique en visitant Rome : le catholicisme lui apparut comme l’unique croyance où les misérables pouvaient se consoler, comme l’unique autorité qui devait guérir les misères. Rédacteur (1843), puis directeur (1848) de l’Univers, il se fit le serviteur de l’Église catholique, serviteur sans défaillance et sans complaisance, impérieux aux amis, injurieux aux adversaires. Il fit une rude guerre à l’Université, foyer d’athéisme et de corruption, aux études classiques, à tous les libéralismes, à toutes les libres pensées, ne séparant pas les modérés des révolutionnaires, ni les spiritualistes des matérialistes ; il fit la police de l’Église française, interdit par Dupanloup, appelant à Pie IX, défendant le pouvoir temporel, poursuivant l’extermination du gallicanisme, lançant l’anathème et l’invective contre tous ceux qui contestaient l’infaillibilité du pape. Ce fut un superbe pamphlétaire, dont l’absolu désintéressement, l’humilité profonde, mirent à l’aise le tempérament ; écrivain puissant, nourri des grands maîtres, au commerce desquels il a développé son originalité, ayant une rare intelligence littéraire, il a écrit des pages qui vivront, par la vivacité mordante de l’esprit ou par l’éclat violent de la passion.

Prévost-Paradol[2], normalien, esprit brillant, inquiet, ambitieux,

  1. Biographie : Veuillot (1813-1883), fils d’un ouvrier tonnelier, travailla d’abord dans les journaux de province, et fut un moment secrétaire du maréchal Bugeaud (1842). Sa conversion date de 1838. L’Univers fut suspendu de 1861 à 1867. — Éditions : Soc. générale de librairie catholique. Paris et Bruxelles, in-8 et in-12. Je citerai : les Odeurs de Paris (1866), 1 vol. in-12 ; Rome pendant le concile. 2 vol. in-8 ; les Libres penseurs, 1 vol. in-12 ; Dialogues socialistes (l’Esclave Vindex : 1849), 1 vol. in-12 ; Historiettes et fantaisies, 1 vol. in-12 ; Molière et Bourdaloue (1877). in-12, etc. Correspondance, 6 vol. in-8. — À consulter : J. Lemaître, les Contemporains, 6e série, 1896, in-16.
  2. Biographie : Prévost-Paradol (1829-1870), sort de l’École Normale en 1851. Un