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l’histoire.

fert : les impressions de son premier âge ont été le froid, la faim, la maladie, l’incertitude du lendemain ; dans sa douloureuse enfance de misère et de lutte, son caractère s’est aigri, sa sensibilité s’est surexcitée, son intelligence s’est aiguisée, son imagination s’est enfuie éperdument loin des réalités qui blessent.

Son père qui, dans sa pauvreté, avait foi à l’instruction, le mit au collège Charlemagne : et l’enfant comprit ; obstinément, virilement, il s’efforça jusqu’à ce qu’il fût des premiers de sa classe. Les récits d’une tante, une promenade au musée qui avait recueilli les tombes de Saint-Denis, lui révélèrent sa vocation : à peine sorti du collège, il s’appliqua à l’histoire. Vico lui fournit une philosophie, pour débrouiller et classer les faits. Après divers essais, il entreprit son Histoire de France qui, pendant près de quarante ans, de 1830 à 1868, sera sa vie.

L’œuvre de Michelet est née « dans le brillant matin de juillet », de l’immense espoir, sitôt déçu, dont la révolution de 1830 enflamma son âme populaire. C’est alors qu’il vit la France « comme une âme et une personne » : et il voulut être l’historien de cette âme et de cette personne. Le problème historique se posa pour lui comme une résurrection de la vie intégrale, dans ses organismes intérieurs et profonds.

Thierry se contentait de regarder les races : Michelet sentit qu’aux races il fallait donner « une bonne, forte base, la terre » qui les porte et les nourrit[1]. Le climat, la nourriture, toute sorte de causes physiques, déterminent le caractère des populations : « telle la patrie, tel l’homme ». Il ne se contenta point de regarder de haut les grandes divisions territoriales : dans l’admirable morceau où, dès le début, il assied son histoire sur la géographie, il saisit comme autant de personnes distinctes toutes les unités provinciales

    Femme et de la Famille, 1844. in-8 ; le Peuple, 1846. in-8 ; le Procès des Templiers, 1841-52, 2 vol. in-4 ; l’Oiseau, 1856, in-12 ; l’Insecte, 1857, in-18 ; l’Amour, 1858, in-18 ; la Femme, 1859, in-18 ; la Mer, 1861, in-18 ; la Sorcière, 1862, in-18 ; la Bible de l’humanité, 1864. in-18 ; la Montagne, 1868, in-18 ; Histoire de France (Moyen Age, 1833-43, 6 vol. in-8 ; Révolution, 1847-53. 7 vol. in-8 ; Renaissance et Temps modernes, 1855-67, 11 vol. in-8), 1878-80, Marpon, 28 vol. in-12 ; 1885 et suiv., Lemerre, 28 vol. pet. in-12. — Œuvres posthumes : Histoire du xixe siècle, 3 vol., 1876 ; Ma Jeunesse (pub. p. Mme  Michelet). 1884, Calmann Lévy ; Mon Journal (id.), 1888, in-10 ; Un Hiver en Italie, 1879. 2e éd., Marpon et Flammarion, in 18, 1893 ; Sur les chemins de l’Europe, in-18, 1893, Lettres à Mlle  Mialaret, 1899. — Œuvres complètes, en cours de publication, depuis 1893, chez Marpon et Flammarion.

    À consulter : E. Faguet, xixe siècle ; Corréard, Michelet (Classiq. populaires), in-8, 1887. Noël, Michelet et ses enfants, 1878 Mme  E. Quinet, 50 ans d’amitié, 1899, G. Lanson, La formation de la méthode historique de Michelet, Rev, d’hist. moderne, 1905. G. Monod, J. Michelet, 1905.

  1. Voilà pourquoi il va en Italie avant d’écrire son Histoire Romaine : il veut avoir l’impression, le contact du sol, du climat, du paysage.