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LES COMÉDIES DE CORNEILLE.

paroles par l’épée. Ils sont lettrés, jugent les livres nouveaux, se souviennent de la comédie récente : beaux parleurs, spirituels, aimant l’escrime de la conversation, ni transis ni agenouillés devant les dames, se faisant valoir par leurs répliques et sachant le prix des douceurs qu’ils disent ; point patients ni plats quand ils n’aiment plus ou qu’on les congédie, et faisant hardiment sentir aux belles la pointe de leur esprit. Tous ces originaux sont vrais : il ont bien vécu entre 1630 et 1635.

Le cadre, les circonstances, les accessoires de la comédie, tout est réel. On n’y oublie pas l’heure du dîner : elle termine les visites ; elle abrège les compliments. Les dames habitent autour du Louvre ou au Marais, dans de grands hôtels aux vastes chambres tendues de tapisseries, aux jardins noblement réguliers. Le poète montre les lieux familiers où la vie élégante se rassemble, la Place Royale, la Galerie du Palais. Il expose les boutiques de la Galerie, celles des libraires, des merciers, de la lingère : il étale la marchandise, fait entendre les propos des clients. Les cavaliers manient les livres, les dames se font montrer des dentelles. Les marchands font l’article, la lingère fournit gratis la suivante pour avoir la clientèle de la maîtresse, le mercier se dispute avec la lingère. Toute la vie extérieure d’un coin connu de Paris est fidèlement rendue dans une amusante esquisse.

Mais le charme de cette comédie, c’est le dialogue. Ce ton de conversation, aisé, léger, rapide, cette brève justesse des répliques, cet esprit qui se connaît, mais qui attend l’occasion d’entrer dans le jeu,