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LA VIE ET L’HOMME.

quet, voulut-il s’offrir de plus près aux libéralités royales ? Chapelain, qui l’encourageait à quitter sa province, et qui allait l’inscrire sur sa liste des talents à récompenser, lui fit peut-être comprendre la nécessité d’être là, quand Colbert ouvrirait la bourse du roi. Peut-être lui rappela-t-il son devoir envers l’Académie, et l’engagement pris depuis quinze ans. Mais il serait possible aussi que ce transport de domicile eût été souhaité par Thomas plutôt que par Pierre. On sait l’étroite union des deux frères. Leurs maisons de la rue de la Pie se touchaient. En 1650, Pierre avait fait épouser son cadet la sœur de sa femme, Marguerite de Lampérière. Ils n’avaient pas même songé à partager le bien de leurs femmes : le partage ne se fit qu’en 1685, après la mort de Pierre. À Paris, ils se logèrent dans des appartements voisins, dans la même maison. Ils ne se séparèrent que lorsque Pierre alla rue d’Argenteuil : et Thomas n’alla pas loin ; il s’installa rue du Clos-Gougeot. Inséparables donc comme ils étaient, il ne serait pas surprenant que le cadet eût entraîné l’aîné. Thomas, qui avait sa fortune à faire, tempérament de journaliste, à l’affût de l’actualité, serviteur du public pour en exploiter les engouements et les caprices, avait besoin de Paris. Ses raisons durent faire effet sur Pierre, qui put croire que ses intérêts aussi lui commandaient de quitter Rouen.

Le plus prompt effet du déménagement dut être de grever les finances du poète. Un provincial qui vient demeurer à Paris sur le tard sent presque toujours de la gêne : les dépenses croissent quand les revenus ne changent pas ; la vie est plus chère et