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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

aux littérateurs, et soit en enseignant, soit en jugeant, ils se jettent de prime abord dans la technique : ce n’est pas qu’elle soit tout pour eux. Mais ils aiment la précision, et la technique, comme ils en parlent, révèle et contient tout le reste. Ils lisent dans la facture de l’œuvre la pensée de l’artiste, et par leur analyse minutieuse des procédés d’exécution, ils atteignent les sources mêmes de l’originalité créatrice. Or Boileau est éminemment artiste, il faut sans cesse le redire : pour lui, l’art, sans lequel il n’y a pas de chefs-d’œuvre effectifs et complets, l’art implique et suppose tous les dons naturels qu’il met en œuvre.

Cependant après que les Grecs nous ont enseigné que l’enthousiasme poétique est une ivresse, un délire, une divine manie, après que nos romantiques, envoyant par les plaines et par les monts les poètes « sacrés, échevelés, sublimes », nous ont confirmés dans l’idée qu’il est de leur essence de ne point être raisonnables comme le commun des hommes, nous nous étonnons d’entendre Boileau rappeler incessamment les poètes à la raison. La raison ! il n’a ; que ce mot à la bouche.

Que toujours le bon sens s’accorde avec la rime….
Au joug de la raison sans peine elle (la rime) fléchit….
Aimez donc la raison : que toujours vos écrits
Empruntent d’elle seule et leur lustre et leur prix.
Tout doit tendre au bon sens….
La raison pour marcher n’a souvent qu’une voie.


Et tout cela dans une vingtaine de vers ! Mais prenez-y garde, la raison de Boileau n’est pas cette