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BOILEAU.

Mais ce pauvre homme n’eut que des lueurs, de vagues instincts, et pas ombre de courage dans sa critique. Quand Boileau débuta, celui qui couvrait de son autorité toute la méchante littérature, précieuse, romanesque, où la nature et l’art étaient offensés également, c’était Chapelain. Nous voyons dans ses Lettres ce qu’il a de bon ; mais il passait sa vie à démentir, par complaisance ou par intérêt, ses sentiments intimes. Il se dit revenu des Espagnols dès 1625, et les ampoulés disciples de l’Espagne le trouvent toujours prêt à se récrier sur leurs extravagances. Ce qu’est le Chapelain qu’on voit, le Chapelain officiel et public, jugez-en aux trois actes éclatants de sa vie littéraire. Il a fait, par gageure, la Préface de l’Adone, déraisonnable apologie d’un méchant poème. Il a rédigé, malgré lui, les Sentiments de l’Académie sur le Cid, mesquine critique d’un chef-d’œuvre. Il a composé, sérieusement, hélas ! et par une volonté expresse, la Pucelle, le plus dénué de poésie des poèmes épiques du temps. À ce triple titre, et par l’autorité que ses lumières et sa facilité lui avaient value, il représentait pour Boileau le goût de l’école à laquelle il faisait la guerre. Il fallait le détruire pour atteindre les autres. Quoi qu’il eût de commun avec Boileau, et bien qu’il eût au fond plus aidé que nui à l’éclosion de l’art classique, il était devenu en 1660 un obstacle à son progrès : son rôle était fini ; il fallait en débarrasser la littérature. Et de là la cruelle, complète et nécessaire exécution des Satires.