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BOILEAU.

choisir entre Despréaux et lui : et ce n’est pas, comme nous avons vu, à Despréaux qu’on ferma la porte. Enfin il employait son crédit pour empêcher l’œuvre où il était diffamé de s’imprimer et de se vendre. En cela, comme dans sa dure poésie, le bonhomme était un réaliste.

Il importait de rappeler que les ennemis de Boileau s’étaient bien défendus : comme leurs diatribes sont parfaitement oubliées aujourd’hui, l’insistance de ses attaques en semble plus cruelle, et il fait l’effet d’avoir massacré des innocents, qui tendaient la gorge au fer. Les personnalités qu’il fait ont scandalisé plus d’une bonne âme, comme Dalembert ou Voltaire : car ceux-ci, comme on sait, ont pratiqué largement le pardon des injures, et tendu toujours l’autre joue, selon la maxime de l’Évangile. Sérieusement, ne voit-on pas qu’il n’y a plus de critique possible, ou bien Boileau avait le droit de censurer Chapelain ou Cotin, comme ceux-ci de riposter à Boileau ? Mais il a médit des personnes, fait de Colletet un parasite, de Saint- Amant et de Faret des ivrognes ; il a raillé la tournure de l’abbé de Pure. Tout est relatif en ce monde : et ces injures sont bien petites, si on les mesure au ton des polémiques littéraires de ce temps-là, quand Chimène était qualifié d’impudique et de parricide et que d’Aubignac et Ménage s’apostrophaient comme des cochers parce que l’un faisait durer quelques heures de plus que l’autre une comédie de Térence. Mais de plus, la littérature était le terme de toutes les pensées de Boileau, sa