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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

sance à nous plaire, et nous avons peur qu’il ne nous cache de l’objet pour nous éviter de la fatigue. Mais aussi, si jamais œuvres ne furent plus robustes, plus pleines, plus solidement édifiées sur le fond humain qui ne change pas, si jamais art ne fut plus sincère, plus probe et plus sûr, si jamais plus de grandeur ne fut unie à plus de clarté, et plus proportionnée à la capacité moyenne des esprits, en sorte que chacun peut trouver à comprendre et de quoi jouir même dans ce qui le dépasse infiniment, et qu’on ne saurait en épuiser la suggestivité ni en limiter la réceptivité, Boileau nous dit ou nous fait deviner comment cela s’est fait : sa doctrine met en lumière et ramène à son principe ce qui fait la beauté propre de la littérature classique et en assure la durée.

Cette doctrine ne repose pas sur une profonde métaphysique : ce n’est à proprement parler qu’un positivisme littéraire. Des faits sensibles et facilement vérifiables sont à la base de tous les raisonnements. Un seul axiome : rien n’est beau que le vrai ; axiome tout positiviste et qui fonde le caractère expérimental de la théorie. Je n’ai qu’à comparer ma connaissance avec les ouvrages des anciens, pour dégager la nature universelle qui est l’objet de l’art. Je n’ai qu’à regarder si tout le monde a du plaisir, pour contrôler mon sentiment, et savoir si j’ai bien jugé. L’expérience individuelle et le consentement universel, voilà tout ce dont Boileau a besoin, une fois posée l’identité du vrai et du beau, pour donner