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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

de produire par des moyens musicaux des impressions pittoresques ou par les formes de la poésie les effets de la musique, on peut aussi passer d’un genre à l’autre, et mêler dans une certaine mesure l’élément lyrique dans le drame, ou l’élément comique dans la tragédie, à condition que l’on ne méconnaisse point les lois essentielles et l’objet propre de chaque genre, et qu’on ne fasse point retomber l’ouvrage dans une indétermination qui serait la négation même de l’art. De même que l’alexandrin s’est assoupli, diversifié, enrichi de toute sorte d’effets, depuis le xviie siècle, sans perdre pour cela sa structure intime, de même les genres peuvent subsister dans leur essence, et la voiler d’apparences multiples pour répondre à des besoins nouveaux de l’esprit moderne. La science des artistes s’est étendue, l’intelligence du public s’est raffinée ; les uns cherchent à susciter, l’autre aime à ressentir des impressions plus complexes, qui doivent se fondre sans se confondre, et laisser subsister l’unité esthétique de l’œuvre. Plus portés à considérer les relations des choses qu’à en fouiller la structure intime, il est naturel que nous admettions, dans la comédie par exemple, une variété d’émotions que nos pères n’auraient pas tolérée autrefois. Pénétrés du sentiment que tout se tient et s’enchaîne dans la nature, que rien ne s’arrête et ne se fixe, et que dans ce monde changeant des apparences on ne peut nulle part poser de commencement ni de terme, nous croyons qu’on dénature le fini et qu’on en fait un