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LA CRITIQUE DE BOILEAU.

Et M. Zola, traducteur fidèle : « La vérité a un son auquel j’estime qu’on ne saurait se tromper. Les phrases, les alinéas, les pages, le livre entier doit sonner la vérité. On dira qu’il faut des oreilles délicates. Il faut des oreilles justes, voilà tout. »

Il n’y a que la nature qui puisse donner aux œuvres d’art un intérêt général et permanent. Une description burlesque, une tragédie galante, cela plaît comme une forme d’habit se porte, pendant six mois ou pendant dix ans, tant que la mode y est : la mode change, et tragédies et descriptions s’en vont où sont les paniers et les vertugadins. Le principe de l’imitation de la nature introduit dans l’art un élément fixe et absolu, un principe d’unité et d’universalité, partant la raison, qui est en nous ce qui nous est commun avec tous les hommes, sous l’infinie diversité des races, des siècles et des humeurs. Le seul caractère sur lequel tous les hommes puissent tomber d’accord, dans un poème, c’est la conformité de l’expression à l’objet, si l’objet est pris dans la nature. Et ainsi le plaisir même que donne la poésie, cette chose toute mobile et tout individuelle, le plaisir devient quelque chose de constant et de général : il est raisonnable, sans cesser d’être un plaisir.

Cette conception est la base du respect de l’antiquité, qui est un des traits apparents de la doctrine de Boileau. Car, si tous les hommes sentent la nature, le succès, c’est-à-dire le consentement universel, sera non pas assurément la preuve, mais le