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des déconvenues singulières. Des passages d’Eginhard, chroniqueur du ixe siècle, sont empruntés à Suétone : il n’y a rien à en faire pour l’histoire du ixe siècle ; que serait-il arrivé, cependant, si l’on ne s’en était pas aperçu ? Un événement est attesté trois fois, par trois chroniqueurs ; mais ces trois attestations, dont on admire la concordance, n’en font qu’une, s’il est constaté que deux des trois chroniqueurs ont copié le troisième, ou que les récits parallèles des trois chroniques ont été puisés à la même source. Des lettres pontificales, des diplômes impériaux du moyen âge contiennent des tirades éloquentes que l’on ne doit pas prendre au sérieux : elles étaient, en effet, de style, et c’est dans des formulaires de chancellerie que les rédacteurs de ces lettres et de ces diplômes les ont textuellement copiées.

Il appartient à la critique de provenance de discerner, autant que possible, les sources dont se sont servis les auteurs de documents.

Le problème à résoudre ici n’est pas sans analogie avec celui de la restitution des textes, dont il a été parlé plus haut. Dans les deux cas, en effet, on procède en partant de ce principe que les leçons identiques ont une source commune : plusieurs scribes, transcrivant un texte, ne feront pas exactement les mêmes fautes aux mêmes endroits ; plusieurs écrivains, racontant les mêmes faits, ne se seront pas placés, pour les voir, aux mêmes points de vue, et ne diront pas exactement les mêmes choses dans les mêmes termes. À cause de l’extrême complexité des événements historiques, il est tout à fait invraisemblable que deux observateurs indépendants les aient rapportés de la même façon. On s’attache à former des familles de documents, de la même manière que l’on forme des familles de manus-