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ginal est perdu. Le bénéfice le plus net est d’éliminer les leçons mauvaises, adventices, propres à causer des erreurs, et de signaler comme tels les passages suspects. Mais il va sans dire que la critique de restitution ne fournit aucune donnée nouvelle. Le texte d’un document qui a été restitué au prix de peines infinies ne vaut pas davantage que celui d’un document analogue dont l’original a été conservé ; au contraire, il vaut moins. Si le manuscrit autographe de l’Énéide n’avait pas été détruit, des siècles de collations et de conjectures auraient été épargnés, et le texte de l’Énéide serait meilleur qu’il ne l’est. Cela dit pour ceux qui excellent au jeu des « émendations »[1], qui l’aiment par conséquent, et qui seraient, au fond, fâchés de n’avoir pas à le pratiquer.

III. Il y aura lieu, d’ailleurs, de pratiquer la critique de restitution jusqu’à ce que l’on possède le texte exact de tous les documents historiques. Dans l’état actuel de la science, peu de travaux sont plus utiles que ceux qui mettent au jour de nouveaux textes ou qui purifient des textes connus. Publier, conformément aux règles de la critique, des documents inédits, ou, jusqu’à présent, mal publiés, c’est rendre aux études historiques un service essentiel. Dans tous les pays, d’innombrables Sociétés savantes consacrent à cette œuvre capitale la plus grande partie de leurs ressources et de leur activité. Mais, à raison de l’immense quantité des textes à critiquer[2] et des soins minutieux

  1. « Textual emendation too often misses the mark through want of knowledge of what may be called the rules of the game. » (W. M. Lindsay, o. c. p. v.)
  2. On s’est souvent demandé si tous les textes valent la peine d’être « établis » et publiés. « Parmi nos anciens textes [de la littérature française du moyen âge], dit M. J. Bédier, que con-