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D’autant plus nécessaires sont les précautions à prendre pour utiliser ces documents, qui sont les seuls matériaux de la science historique : il importe évidemment d’éliminer ceux qui n’ont aucune valeur et de distinguer dans les autres ce qui s’y trouve de correctement observé.

D’autant plus nécessaires sont, en même temps, les avertissements à ce sujet que la pente naturelle de l’esprit humain est de ne prendre aucune précaution, et de procéder, en ces matières où la plus exacte précision serait indispensable, confusément. — Tout le monde, il est vrai, admet, en principe, l’utilité de la Critique ; mais c’est un de ces postulats non contestés qui passent difficilement dans la pratique. Des siècles se sont écoulés, en des âges de civilisation brillante, avant que les premières lueurs de Critique se soient manifestées parmi les peuples les plus intelligents de la terre. Ni les Orientaux ni le moyen âge n’en ont eu l’idée nette[1]. Jusqu’à nos jours, des hommes éclairés ont, en se servant des documents pour écrire l’histoire, négligé des précautions élémentaires et admis inconsciemment des principes faux. Encore aujourd’hui la plupart des jeunes gens, abandonnés à eux-mêmes, suivraient ces vieux errements. C’est que la Critique est contraire à l’allure normale de l’intelligence. La tendance spontanée de l’homme est d’ajouter foi aux affirmations et de les reproduire, sans même les dis-

    suivant des règles fixes et rédige dans une langue rigoureusement précise. Au contraire, le « témoin » a observé sans méthode et rédigé dans une langue sans rigueur : on ignore s’il a pris les précautions nécessaires. Le propre du document historique est de se présenter comme le résultat d’un travail fait sans méthode et sans garantie.

  1. Voir B. Lasch, Das Erwachen und die Entwickelung der historischen Kritik im Mittelalter, Breslau, 1887, in-8.