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début, au milieu ou à la fin du travail, peut vicier toutes les conclusions. La méthode « historique », ou indirecte, est par là visiblement inférieure à la méthode d’observation directe ; mais les historiens n’ont pas le choix : elle est la seule pour atteindre les faits passés, et l’on verra plus loin[1] comment elle peut, malgré ces conditions défectueuses, conduire à une connaissance scientifique.

L’analyse détaillée des raisonnements qui mènent de la constatation matérielle des documents à la connaissance des faits est une des parties principales de la Méthodologie historique. C’est le domaine de la Critique. Les sept chapitres qui suivent y sont consacrés. — Essayons d’en esquisser d’abord, très sommairement, les lignes générales et les grandes divisions.

I. On peut distinguer deux espèces de documents. Parfois le fait passé a laissé une trace matérielle (un monument, un objet fabriqué). Parfois, et le plus souvent, la trace du fait est d’ordre psychologique : c’est une description ou une relation écrites. — Le premier cas est beaucoup plus simple que le second. Il existe, en effet, un rapport fixe entre certaines empreintes matérielles et leurs causes, et ce rapport, déterminé par des lois physiques, est bien connu[2]. — La trace psychologique, au contraire, est purement symbolique : elle n’est pas le fait lui-même ; elle n’est pas même l’empreinte immédiate du fait sur l’esprit du témoin ; elle est seulement un signe conventionnel de l’impression produite par le fait sur l’esprit du témoin. Les documents écrits n’ont donc pas de valeur par eux-

  1. Ci-dessous, chap. vii.
  2. Nous ne traiterons pas particulièrement de la Critique des documents matériels (objets, monuments, etc.), en tant qu’elle diffère de la Critique des documents écrits.