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extraits, et de parer, autant que possible, cette macédoine, pour la rendre plus attrayante, avec des « idées générales » et des grâces extérieures. La tentation est d’autant plus forte que la plupart des spécialistes se désintéressent des travaux de vulgarisation, que ces travaux sont, en général, lucratifs, et que le grand public n’est pas en état de distinguer nettement la vulgarisation honnête de la vulgarisation trompe-l’œil. Bref, il y a des gens, chose absurde, qui n’hésitent pas à résumer pour autrui ce qu’ils n’ont pas pris la peine d’apprendre eux-mêmes, et à enseigner ce qu’ils ignorent. — De là, dans la plupart des ouvrages de vulgarisation historique, des taches de toute espèce, inévitables, que les gens instruits constatent toujours avec plaisir, mais avec un plaisir un peu mêlé d’amertume, parce qu’ils sont souvent seuls à les voir : emprunts inavoués, références inexactes, noms et textes estropiés, citations de seconde main, hypothèses sans valeur, rapprochements superficiels, assertions imprudentes, généralisations puériles, et, dans l’énoncé des opinions les plus fausses ou les plus contestables, un ton de tranquille autorité[1].

D’autre part, des hommes dont l’information ne laisse rien à désirer, et dont les monographies destinées aux spécialistes sont très méritoires, se montrent capables, quand ils écrivent pour le public, d’atteintes graves à la méthode scientifique. Les Allemands sont coutumiers du fait : voyez Mommsen, Droysen,

  1. On imagine difficilement ce que peuvent devenir, sous la plume des vulgarisateurs négligents et maladroits, les résultats les plus intéressants et les mieux assurés de la critique moderne. Ceux-là le savent mieux que personne qui ont eu l’occasion de lire les « compositions » improvisées des candidats aux examens d’histoire : les défauts ordinaires de la vulgarisation de mauvais aloi y sont parfois poussés jusqu’à l’absurde.