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spectateur. « Thierry, dit Michelet qui l’en loue, en nous contant Klodowig, a le souffle intérieur, l’émotion de la France envahie récemment… » Michelet a « posé le problème historique comme la résurrection de la vie intégrale dans ses organismes intérieurs et profonds ». — Le choix du sujet, du plan, des preuves, du style est dominé chez tous les historiens romantiques par la préoccupation de l’effet, qui n’est pas assurément une préoccupation scientifique. C’est une préoccupation littéraire. Quelques historiens romantiques ont glissé sur cette pente jusqu’au « roman historique ». On sait en quoi consiste ce genre, qui, de l’abbé Barthélemy et de Chateaubriand à Mérimée et à Ebers, a été si prospère, et que l’on essaie présentement, mais en vain, de rajeunir. Le but est de « faire revivre des coins du passé » en des tableaux dramatiques, artistement fabriqués avec des couleurs et des détails « vrais ». Le vice évident du procédé est que l’on ne donne pas au lecteur le moyen de distinguer entre les parties empruntées à des documents et les parties imaginées, sans compter que la plupart du temps les documents utilisés ne sont pas tous exactement de la même provenance, si bien que, la couleur de chaque pierre étant « vraie », celle de la mosaïque est fausse. La Rome au siècle d’Auguste de Dezobry, les Récits mérovingiens d’Augustin Thierry, et d’autres « tableaux » esquissés à la même époque ont été faits d’après le principe, et offrent les inconvénients, des romans historiques proprement dits[1].

  1. Il va de soi que les procédés romantiques en vue d’obtenir des effets de couleur locale et de « résurrection », souvent puérils entre les mains des plus habiles écrivains, sont tout à fait intolérables quand ils sont employés par d’autres. Voir un bon exemple (critique d’un livre de M. Mourin par M. Monod) dans la Revue critique, 1874, II, p. 163 et suiv.