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Le travail critique n’a fourni qu’une masse de remarques isolées sur la valeur de la connaissance que les documents ont permis d’atteindre. Il faut les réunir. On prendra donc tout un groupe de faits classés dans le même cadre — une espèce de faits, un pays, une période, un événement — et on résumera les résultats de la critique des faits particuliers pour obtenir une formule d’ensemble. Il faudra considérer : 1o l’étendue, 2o la valeur de notre connaissance.

1o On se demandera quelles sont les lacunes laissées par les documents. Il est facile, en suivant le questionnaire général de groupement, de constater sur quelles espèces de faits nous ne sommes pas renseignés. Pour les évolutions nous apercevons quels anneaux manquent à la chaîne des changements successifs ; pour les événements quels épisodes, quels groupes d’acteurs, quels motifs nous restent inconnus ; quels faits nous voyons apparaître sans en savoir le commencement ou disparaître sans en connaître la fin. Nous devons dresser, au moins mentalement, le tableau de nos ignorances pour nous rappeler la distance entre notre connaissance réelle et une connaissance complète.

2o La valeur de notre connaissance dépend de la valeur de nos documents. La critique nous l’a montrée en détail pour chaque cas, il faut la résumer en

    juger les événements et les hommes, c’est-à-dire accompagner la description des faits d’un jugement d’approbation ou de réprobation, soit au nom d’un idéal moral général ou particulier (idéal de secte, de parti, de nation), soit au point de vue pratique en examinant, comme Polybe, si les actes historiques ont été bien ou mal combinés en vue du succès. Cette addition pourrait se faire dans toute étude descriptive : le naturaliste pourrait exprimer sa sympathie ou son admiration pour un animal, blâmer la férocité du tigre ou louer le dévouement de la poule à ses poussins. Mais il est évident qu’en histoire, comme en toute autre matière, ce jugement est étranger à la science.