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sur laquelle on va raisonner : Toutes les fois que tel fait se produit, on est certain que tel autre se sera produit. Si elle est évidemment fausse, on s’en apercevra aussitôt ; si elle est trop générale on verra quelles conditions nouvelles il faut y ajouter pour qu’elle devienne exacte.

2o Spontanément nous cherchons à tirer des conséquences du moindre fait isolé (ou plutôt l’idée de chaque fait éveille aussitôt en nous, par association, l’idée d’autres faits). C’est le procédé naturel de l’histoire littéraire. Chaque trait de la vie d’un auteur fournit matière à des raisonnements ; on construit par conjecture toutes les influences qui ont pu agir sur lui et on admet qu’elles ont agi. Toutes les branches d’histoire qui étudient une seule espèce de faits, isolée de toute autre (langue, arts, droit privé, religion), sont exposées au même danger, parce qu’elles ne voient que des fragments de vie humaine et pas d’ensembles. Or il n’y a guère de conclusions solides que celles qui reposent sur un ensemble. On ne fait pas un diagnostic avec un symptôme, il faut l’ensemble des symptômes. — La précaution consistera à éviter d’opérer sur un détail isolé ou sur un fait abstrait. On devra se représenter des hommes avec les principales conditions de leur vie.

Il faut s’attendre à réaliser rarement les conditions d’un raisonnement certain ; nous connaissons trop mal les lois de la vie sociale et trop rarement les détails précis d’un fait historique. Aussi la plupart des raisonnements ne donnent-ils qu’une présomption, non une certitude. Mais il en est des raisonnements comme des documents[1]. Quand plusieurs présomptions se

  1. Voir p. 175.