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Examiner les liens entre les faits qui peuvent servir de base à des raisonnements, ce serait faire le tableau de tous les rapports connus entre les faits humains, c’est-à-dire dresser l’état de toutes les lois de la vie sociale établies empiriquement. Un pareil travail suffirait à faire l’objet d’un livre[1]. On se bornera ici à indiquer les règles générales du raisonnement et les précautions à prendre contre les erreurs les plus ordinaires.

Le raisonnement repose sur deux propositions : l’une générale, tirée de la marche des choses humaines ; l’autre particulière, tirée des documents. Dans la pratique on commence par la proposition particulière, le fait historique : Salamine porte un nom phénicien. Puis on cherche une proposition générale : La langue d’un nom de ville est la langue du peuple qui a créé la ville. Et l’on conclut : Salamine, à nom phénicien, a été fondée par des Phéniciens.

Pour que la conclusion soit sûre il faut donc deux conditions.

1o La proposition générale doit être exacte ; les deux faits qu’elle suppose liés ensemble doivent l’être de façon que le second ne se produise jamais sans le premier. Si cette condition était vraiment remplie, ce serait une loi au sens scientifique ; mais en matière de faits humains — sauf les conditions matérielles dont les lois sont établies par les sciences constituées, — on n’opère qu’avec des lois empiriques obtenues par des constatations grossières d’ensemble, sans analyser les faits de façon à en dégager les vraies causes. Ces lois ne sont à peu près exactes que lorsqu’elles portent sur

  1. C’est celui que Montesquieu avait tenté dans l’Esprit des lois. J’ai, dans un cours à la Sorbonne, essayé de tracer une esquisse de ce tableau. [Ch. S.]