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1o Il ne faut jamais mélanger un raisonnement avec l’analyse d’un document ; quand on se permet d’introduire dans le texte ce que l’auteur n’y a pas mis expressément, on en arrive à le compléter en lui faisant dire ce qu’il n’a pas voulu dire[1].

2o Il ne faut jamais confondre les faits tirés directement de l’examen des documents avec les résultats d’un raisonnement. Quand on affirme un fait connu seulement par raisonnement, on ne doit pas laisser croire qu’on l’ait trouvé dans les documents, on doit avertir par quel procédé on l’a obtenu.

3o Il ne faut jamais faire un raisonnement inconscient : il a trop de chance d’être incorrect. Il suffit de s’astreindre à mettre le raisonnement en forme ; dans un raisonnement faux la proposition générale est d’ordinaire assez monstrueuse pour faire reculer d’horreur.

4o Si le raisonnement laisse le moindre doute, il ne faut pas essayer de conclure ; l’opération doit rester sous forme de conjecture, nettement distinguée des résultats définitivement acquis.

5o Il ne faut jamais revenir sur une conjecture pour essayer de la transformer en certitude. C’est la première impression qui a le plus de chances d’être exacte ; en réfléchissant sur une conjecture, on se familiarise avec elle et on finit par la trouver mieux fondée, tandis qu’on y est seulement mieux habitué. La mésaventure est commune aux hommes qui méditent longtemps sur un petit nombre de textes.

Il y a deux façons d’employer le raisonnement, l’une négative, l’autre positive ; on va les examiner séparément.

  1. Il a été parlé plus haut, p. 119, de ce vice de méthode.