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miner le fait dont on veut étudier l’évolution ; 2o fixer la durée du temps pendant lequel elle s’est accomplie ; on devra la choisir de façon que la transformation soit évidente et que pourtant il reste un lien entre le point de départ et le point d’arrivée ; 3o établir les étapes successives de l’évolution ; 4o chercher par quel moyen elle s’est faite.

V. Une série, même complète, des états de toutes les sociétés et de toutes leurs évolutions ne suffirait pas à épuiser la matière de l’histoire. Il reste des faits uniques dont on ne peut se passer, puisqu’ils expliquent la formation des états et le commencement des évolutions. Comment étudier les institutions ou l’évolution de la France sans parler de la conquête des Gaules par César et de l’invasion des Barbares ?

Cette nécessité d’étudier des faits uniques a fait dire que l’histoire ne peut être une science, car toute science a pour objet le général. — L’histoire est ici dans la même condition que la cosmographie, la géologie, la science des espèces animales ; elle n’est pas la connaissance abstraite des rapports généraux entre les faits, elle est une étude explicative de la réalité ; or la réalité n’a existé qu’une seule fois. Il n’y a eu qu’une seule évolution de la terre, de la vie animale, de l’humanité. Dans chacune de ces évolutions les faits qui se sont succédé ont été le produit non de lois abstraites, mais du concours à chaque moment de plusieurs faits d’espèce différente. Ce concours, appelé parfois le hasard, a produit une série d’accidents qui ont déterminé la marche particulière de l’évolution[1]. L’évolution n’est intelligible

  1. La théorie du hasard a été faite de façon décisive par M. Cournot, Considérations sur la marche des idées et des événements dans les temps modernes, Paris, 1872, 2 vol. in-8.