Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/215

Cette page a été validée par deux contributeurs.

image de plus d’éléments que les documents n’en fournissent. Qu’on essaye de se représenter un combat ou une cérémonie avec les données d’un récit, si détaillé qu’il soit, on verra combien de traits il faut y ajouter. Cette nécessité est sensible matériellement dans les restitutions de monuments fondées sur une description (par exemple celle du Temple de Jérusalem), dans les tableaux qui prétendent représenter des scènes historiques, dans les dessins des journaux illustrés.

Toute image historique contient donc une forte part de fantaisie. L’historien ne peut pas s’en délivrer, mais il peut savoir le compte des éléments réels qui entrent dans ses images et ne faire porter sa construction que sur ceux-là ; ces éléments, ce sont ceux qu’il a tirés des documents. S’il a besoin, pour comprendre la bataille entre César et Arioviste, de se représenter leurs deux armées, il aura soin de ne rien conclure de l’aspect général sous lequel il se les imagine ; il devra raisonner seulement avec les détails réels fournis par les documents.

V. Le problème de la méthode historique est enfin précisé ainsi. Avec les traits épars dans les documents nous formons des images. Quelques-unes, toutes matérielles, fournies par des monuments figurés, représentent directement un des aspects réels des choses passées. La plupart — toutes les images de faits psychiques sont dans ce cas — sont formées à la ressemblance des figures dessinées anciennement et surtout des faits actuels que nous avons observés. Or les choses passées ne ressemblaient qu’en partie aux choses présentes, et ce sont justement les parties diffé-

    quente. C’est aussi le sens du mot fameux de Ranke : « Je veux dire comment cela a été en réalité » (wie es eigentlich gewesen).