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rien de réel que du papier écrit, — et quelquefois des monuments ou des produits de fabrication. L’historien n’a aucun objet à analyser réellement, aucun objet qu’il puisse détruire et reconstruire. « L’analyse historique » n’est pas plus réelle que la vue des faits historiques ; elle n’est qu’un procédé abstrait, une opération purement intellectuelle. — L’analyse d’un document consiste à chercher mentalement les renseignements qu’il contient pour les critiquer un à un. — L’analyse d’un fait consiste à distinguer mentalement les différents détails de ce fait (épisodes d’un événement, caractères d’une institution), pour fixer son attention successivement sur chacun des détails ; c’est ce qu’on appelle examiner les divers « aspects » d’un fait ; — encore une métaphore. — L’esprit humain, naturellement confus, n’a spontanément que des impressions d’ensemble confuses ; il est nécessaire, pour les éclaircir, de se demander quelles impressions particulières constituent une impression d’ensemble, afin de les préciser en les considérant une à une. Cette opération est indispensable, mais il ne faut pas en exagérer la portée. Ce n’est pas une méthode objective qui fasse découvrir des objets réels ; ce n’est qu’une méthode subjective pour apercevoir les éléments abstraits qui forment nos impressions[1]. — Par la nature même de ses matériaux l’histoire est forcément une science subjective. Il serait illégitime d’étendre à cette analyse

    toute science, à constater des faits, à les analyser, à les rapprocher, à en marquer le lien… L’historien… cherche et atteint les faits par l’observation minutieuse des textes, comme le chimiste trouve les siens dans des expériences minutieusement conduites. » (Ib., p. 39.)

  1. Le caractère subjectif de l’histoire a été très fortement indiqué par un philosophe, G. Simmel, Die Probleme der Geschichtsphilosophie, Leipzig, 1892, in-8.