Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.

science définitive. Même les faits qui, rapprochés d’autres faits, finiront par être établis, passent par cette condition transitoire, comme les cas cliniques qui s’entassent dans les revues médicales avant d’être assez prouvés pour devenir des faits scientifiques.

Ainsi la construction historique doit être faite avec une masse incohérente de menus faits, une poussière de connaissances de détail. Ce sont des matériaux hétérogènes, qui diffèrent par leur objet, leur situation, leur degré de généralité, leur degré de certitude. Pour les classer, la pratique des historiens ne fournit pas de méthode ; l’histoire, étant issue d’un genre littéraire, est restée la moins méthodique des sciences.

II. En toute science, après avoir regardé les faits, on se pose systématiquement des questions[1] ; toute science est formée d’une série de réponses à une série de questions méthodiques. Dans toutes les sciences d’observation directe, quand même on n’y a pas songé d’avance, les faits observés suggèrent des questions et obligent à les préciser. Mais les historiens n’ont pas cette discipline ; habitués à imiter les artistes, beaucoup ne pensent pas même à se demander ce qu’ils cherchent : ils prennent dans les documents les traits qui les ont frappés, souvent pour un motif personnel, les reproduisent en changeant la langue et y ajoutent les réflexions de tout genre qui leur viennent à l’esprit.

L’histoire, sous peine de se perdre dans la confusion de ses matériaux, doit se faire une règle stricte de toujours procéder par questions comme les autres sciences[2]. Mais comment poser les questions dans une

  1. L’hypothèse dans les sciences expérimentales est une forme de question accompagnée d’une réponse provisoire.
  2. Fustel de Coulanges a entrevu cette nécessité. Dans la