Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/198

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mêmes causes de mensonge ou d’erreur (même intérêt, ou même vanité, ou mêmes préjugés, etc.).

Il n’y a de sûrement indépendantes que les observations contenues dans des documents différents, issus d’auteurs différents, appartenant à des groupes différents, opérant dans des conditions différentes. C’est dire que les cas de concordance pleinement concluante sont rares, sauf dans les périodes modernes.

La possibilité de prouver un fait historique dépend du nombre de documents indépendants conservés sur ce fait, et il dépend du hasard que les documents se soient conservés ; ainsi s’explique la part du hasard dans la constitution de l’histoire.

Les faits qu’il est possible d’établir sont surtout des faits étendus et durables (appelés parfois faits généraux), usages, doctrines, institutions, grands événements ; ils ont été plus faciles à observer et sont plus faciles à prouver. Pourtant la méthode historique n’est pas par elle-même impuissante à établir des faits courts et limités (ce qu’on appelle faits particuliers), une parole, un acte d’un moment. Il suffit que plusieurs personnages aient assisté au fait, l’aient noté et que leurs écrits nous soient parvenus. On sait la phrase que Luther a prononcée à la Diète de Worms ; on sait qu’il n’a pas dit ce que lui attribue la tradition. Ce concours de conditions favorables devient de plus en plus fréquent avec l’organisation des journaux, des sténographes et des dépôts de documents.

Pour l’antiquité et le moyen âge la connaissance historique est restreinte aux faits généraux par la pénurie de documents. Dans la période contemporaine elle peut s’étendre de plus en plus aux faits particuliers. — Le public s’imagine le contraire ; il se défie des faits contemporains sur lesquels il voit circuler des récits