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pas logiquement le droit de les déclarer certains, car on voit des hommes qui se trompent même sur des faits grossiers, ou qui mentent même sur des faits indifférents. Mais ces cas sont si rares qu’on court peu de risque à admettre comme certains les faits de ce genre établis par un seul document ; et c’est ce qu’on fait en pratique pour les époques mal connues. On décrit les institutions des Gaulois ou des Germains d’après le texte unique de César ou de Tacite. Ces faits si faciles à constater ont dû s’imposer aux auteurs de descriptions comme les réalités s’imposent aux poètes.

II. Au contraire l’affirmation d’un document sur un fait extérieur[1] ne peut jamais suffire à établir ce fait. Il y a trop de chances de mensonge ou d’erreur, et les conditions où l’affirmation s’est produite sont trop mal connues pour qu’on soit sûr qu’elle a échappé à toutes ces chances. L’examen critique ne donne donc pas de solutions définitives ; indispensable pour éviter des erreurs, il ne conduit pas jusqu’à la vérité.

La critique ne peut prouver aucun fait, elle ne fournit que des probabilités. Elle n’aboutit qu’à décomposer les documents en affirmations munies chacune d’une étiquette sur sa valeur probable : affirmation sans valeur, affirmation suspecte (fortement ou faiblement), affirmation probable ou très probable, affirmation de valeur inconnue.

De toutes ces espèces de résultats une seule est définitive : l’affirmation d’un auteur qui n’a pas pu être renseigné sur le fait qu’il affirme est nulle, on doit la rejeter comme on rejette un document apocryphe[2].

  1. On appelle ici fait extérieur — en opposition avec la conception (qui est un fait interne) — tout fait qui se passe dans la réalité objective.
  2. La plupart des historiens attendent pour rejeter une légende