Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/175

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pour faire la critique d’une affirmation de seconde main, il ne suffit plus d’examiner les conditions où opérait l’auteur du document : cet auteur n’est plus qu’un instrument de transmission ; le véritable auteur de l’affirmation, c’est celui qui lui a fourni le renseignement. Il faut donc changer le terrain de la critique, se demander si l’auteur du renseignement a opéré correctement ; et si celui-là tenait son renseignement d’un autre, — ce qui est le cas le plus fréquent, — il faut remonter d’intermédiaire en intermédiaire à la poursuite du premier qui a lancé dans le monde l’affirmation et se demander s’il a été un observateur correct.

Logiquement cette recherche de l’observateur-source n’est pas inconcevable ; les anciens recueils de traditions arabes donnent ainsi la chaîne des garants successifs d’une tradition. Mais dans la pratique les données manquent presque toujours pour arriver jusqu’à l’observateur ; l’observation reste anonyme. Alors se pose une question générale. Comment faire la critique d’une affirmation anonyme ? Il ne s’agit pas seulement des « documents anonymes » dont la rédaction d’ensemble a eu pour auteur un inconnu ; la question se pose même sur un auteur connu pour chacune des affirmations dont la source reste inconnue.

La critique opère en se représentant les conditions de travail de l’auteur ; sur une affirmation anonyme elle n’a presque plus de prise. Il ne lui reste d’autre procédé que d’examiner les conditions générales, du document. — On peut examiner s’il y a un caractère commun à toutes les affirmations du document indiquant qu’elles

    pas connus lui-même. On nomme « document de seconde main » celui qui ne contient rien de première main, par exemple Tite-Live ; mais c’est là une distinction trop grossière pour suffire à guider la critique des affirmations.