Page:Langlois - Seignobos - Introduction aux études historiques, 1899.djvu/174

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sant des chiffres partiels qui ne sont pas tous exacts ; il y a chance qu’il ait étendu à tout un peuple, à tout un pays, à toute une période ce qui était vrai seulement d’un petit groupe qu’il connaissait[1].

VI. Ces deux premières séries de questions sur la sincérité et l’exactitude des affirmations du document supposent que l’auteur a observé lui-même le fait. C’est la condition commune des observations dans toutes les sciences constituées. Mais en histoire la pénurie des observations directes, même médiocrement faites, est si grande qu’on en est réduit à tirer parti de documents dont ne voudrait aucune autre science[2]. Qu’on prenne au hasard un récit, même d’un contemporain, on verra que les faits observés par l’auteur ne forment jamais qu’une partie de l’ensemble. Dans presque tout document le plus grand nombre des affirmations ne viennent pas directement de l’auteur, elles reproduisent les affirmations d’un autre. Le général, même en racontant la bataille qu’il vient de diriger, communique, non pas ses propres observations, mais celles de ses officiers ; son récit est déjà en grande partie un « document de seconde main »[3].

  1. Par exemple les chiffres sur la population, le commerce, la richesse des pays européens donnés par les ambassadeurs vénitiens du xvie siècle, et les descriptions des usages des Germains dans la Germanie de Tacite.
  2. Il serait intéressant d’examiner ce qui resterait de l’histoire romaine ou de l’histoire mérovingienne si l’on s’en tenait aux documents qui représentent une observation directe.
  3. On voit pourquoi nous n’avons pas défini et étudié à part le « document de première main ». C’est que la question a été mal posée par la pratique des historiens. La distinction devrait porter sur les affirmations, non sur les documents. Ce n’est pas le document qui est de première, de seconde, ou de troisième main, c’est l’affirmation. Ce qu’on appelle un « document de première main » est presque toujours composé en partie d’affirmations de seconde main sur des faits que l’auteur n’a