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La règle doit donc être de se défier des récits trop conformes à des formules.

4e cas. Le fait affirmé est de telle nature qu’il ne peut pas avoir été connu par l’observation seulement. C’est un fait caché (par exemple, un secret d’alcôve). C’est un état interne qu’on ne peut voir, un sentiment, un motif, une hésitation intérieure. C’est un fait collectif très étendu ou très durable, par exemple un acte commun à toute une armée, un usage commun à tout un peuple ou à tout un siècle, un chiffre statistique obtenu par l’addition de nombreuses unités. C’est un jugement d’ensemble sur le caractère d’un homme, d’un groupe, d’un usage, d’un événement. — Ce sont là des sommes ou des conséquences d’observations : l’auteur n’a pu les atteindre qu’indirectement, en partant de données d’observations élaborées par des opérations logiques, abstraction, généralisation, raisonnement, calcul. Il faut donc ici deux questions. L’auteur semble-t-il avoir opéré sur des données insuffisantes ? A-t-il opéré incorrectement sur ses données ?

Sur les incorrections probables d’un auteur on peut avoir des renseignements généraux ; on peut en examinant son œuvre voir comment il opérait, s’il savait abstraire, raisonner, généraliser, et quelle espèce d’erreurs il commettait. — Pour établir la valeur des données il faut critiquer chaque affirmation en particulier : on doit se représenter les conditions où se trouvait l’auteur et se demander s’il a pu se procurer les données nécessaires à son affirmation. La précaution est indispensable pour tous les chiffres élevés et toutes les descriptions des usages d’un peuple ; car il y a chance que l’auteur ait obtenu son chiffre par un procédé conjectural d’évaluation (cas ordinaire pour le nombre des combattants ou des morts), ou en réunis-