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différents. Surtout il faut se demander quand il a noté ce qu’il a vu ou entendu. C’est le point le plus important : la seule observation exacte est celle qu’on rédige aussitôt après avoir observé ; c’est toujours ainsi qu’on procède dans les sciences constituées ; une impression notée plus tard n’est déjà plus qu’un souvenir, exposé à s’être mélangé dans la mémoire avec d’autres souvenirs. Les Mémoires, écrits plusieurs années après les faits, souvent même à la fin de la carrière de l’auteur, ont introduit dans l’histoire des erreurs innombrables. Il faut se faire une règle de traiter les Mémoires avec une défiance spéciale, comme des documents de seconde main, malgré leur apparence de témoignages contemporains.

3e cas. L’auteur affirme des faits qu’il aurait pu observer, mais qu’il ne s’est pas donné la peine de regarder. Par paresse ou négligence, il a donné des renseignements qu’il a imaginés par conjecture, ou même au hasard, et qui se trouvent être faux. Cette cause d’erreur, très fréquente, bien qu’on n’y pense guère, peut être soupçonnée dans tous les cas où l’auteur a été obligé pour remplir un cadre de se procurer des renseignements qui l’intéressaient peu. De ce genre sont les réponses à des questions faites par une autorité (il suffit de voir comment se font de nos jours la plupart des enquêtes officielles), et les récits détaillés de cérémonies ou d’actes publics. La tentation est trop forte de rédiger le récit d’après le programme connu d’avance ou d’après la procédure habituelle de l’acte. Que de comptes rendus de séances de tout genre publiés par des reporters qui n’y ont pas assisté ! On soupçonne, on croit même avoir reconnu, des imaginations analogues chez des chroniqueurs du moyen âge[1].

  1. Par exemple le récit de l’élection d’Otton Ier dans les Gesta Ottonis de Witukind.