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où l’interrogé cherche à plaire au questionneur en répondant ce qu’il croit lui être agréable, toute question par elle-même suggère la réponse ; ou du moins elle impose la nécessité de faire entrer les faits dans un cadre tracé d’avance par quelqu’un qui ne les a pas vus. Il est donc indispensable de soumettre à une critique spéciale toute affirmation obtenue par interrogation, en se demandant quelle a été la question posée et quel préjugé elle peut avoir fait naître dans l’esprit de celui qui a eu à y répondre.

2e cas. L’auteur a été mal placé pour observer. La pratique des sciences nous enseigne les conditions d’une observation correcte. L’observateur doit être placé de façon à voir exactement, sans aucun intérêt pratique, aucun désir d’atteindre un résultat donné, aucune idée préconçue sur le résultat. Il doit noter à l’instant même, avec un système de notation précis ; il doit indiquer avec précision sa méthode. Ces conditions, exigées dans les sciences d’observation, ne sont jamais toutes remplies par les auteurs de documents.

Il serait donc inutile de se demander s’il y a eu des chances d’incorrection ; il y en a toujours (c’est justement ce qui distingue un document d’une observation). Il ne reste qu’à chercher les causes évidentes d’erreur dans les conditions de l’observation : si l’observateur a été en un lieu d’où il ne pouvait pas bien voir ou entendre (par exemple un subalterne qui prétend raconter les délibérations secrètes d’un conseil de dignitaires) ; — si son attention a été fortement distraite par la nécessité d’agir (par exemple sur un champ de bataille), ou a été négligente parce que les faits à observer ne l’intéressaient pas ; — s’il lui a manqué l’expérience spéciale ou l’intelligence générale pour comprendre les faits ; — s’il a mal analysé ses impressions et confondu des faits