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se résigner à douter et, après examen, à admettre l’erreur ou le mensonge ; ainsi s’est imposée la nécessité de la critique négative pour écarter les affirmations manifestement menteuses ou erronées. Mais l’instinct de confiance est si indestructible qu’il a jusqu’ici empêché même les gens du métier de constituer la critique interne des affirmations en méthode régulière comme ils ont fait pour la critique externe de provenance. Les historiens, dans leurs travaux, et même les théoriciens de la méthode historique[1], en sont restés à des notions vulgaires et des formules vagues, en contraste frappant avec la terminologie précise de la critique de sources. Ils se bornent à examiner si l’auteur a été en général contemporain des faits, s’il en a été témoin oculaire ; s’il a été sincère et bien informé, s’il a su la vérité ou s’il a voulu la dire ; ou même, résumant tout en une formule, s’il a été digne de foi.

Assurément cette critique superficielle vaut beaucoup mieux que l’absence de critique, et elle a suffi pour donner à ceux qui l’ont pratiquée la conscience d’une supériorité incontestable. Mais elle n’est qu’à mi-chemin entre la crédulité vulgaire et une méthode scientifique. Ici, comme en toute science, le point de départ doit être le doute méthodique[2]. Tout ce qui n’est pas prouvé doit rester provisoirement douteux ; pour affirmer une proposition il faut apporter des raisons de la croire exacte. Appliqué aux affirmations des documents, le doute méthodique devient la défiance méthodique.

  1. Par exemple le P. de Smedt, Tardif, Droysen et même Bernheim.
  2. Descartes, venu en un temps où l’histoire ne consistait encore qu’à reproduire des récits antérieurs, n’a pas trouvé le moyen de lui appliquer le doute méthodique ; aussi a-t-il refusé de lui reconnaître le caractère de science.