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Ces règles, si on les appliquait avec rigueur, constitueraient une méthode exacte d’interprétation, qui ne laisserait presque aucune chance d’erreur, mais qui exigerait une énorme dépense de temps. Quel travail s’il fallait pour chaque mot déterminer par une opération spéciale le sens dans la langue du temps, du pays, de l’auteur et dans le contexte ! C’est le travail qu’exige une traduction bien faite ; on s’y est résigné pour quelques ouvrages antiques d’une grande valeur littéraire ; pour la masse des documents historiques on s’en tient dans la pratique à un procédé abrégé.

Tous les mots ne sont pas également sujets à changer de sens ; la plupart conservent chez tous les auteurs et à toutes les époques un sens à peu près uniforme. On peut donc se contenter d’étudier spécialement les expressions qui, par leur nature, sont exposées à prendre des sens variables : 1o les expressions toutes faites qui, étant fixées, n’évoluent pas de même que les mots dont elles sont composées ; 2o et surtout, les mots qui désignent les choses sujettes par nature à évoluer : classes d’hommes (miles, colonus, servus) ; — institutions (conventus, justitia, judex ) ; — usages (alleu, bénéfice, élection) ; — sentiments, objets usuels. Pour tous ces mots il serait imprudent de présumer la fixité de sens ; c’est une précaution indispensable de s’assurer en quel sens ils sont pris dans le texte à interpréter.

« Ces études de mots, dit Fustel de Coulanges, ont une grande importance dans la science historique. Un terme mal interprété peut être la source de grandes erreurs[1] ». Il lui a suffi en effet d’appliquer méthodique-

  1. C’est sa critique d’interprétation qui a fait toute l’originalité de Fustel ; il n’a fait personnellement aucun travail de critique externe, et sa critique de sincérité et d’exactitude a été