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critique des sources, l’instinct du déchiffreur de problèmes, c’est-à-dire un esprit agile, ingénieux, fécond en hypothèses, prompt à saisir et même à « deviner » des rapports, est, en outre, très utile. — Pour les besognes de description et de compilation (inventaires, catalogues, corpus, regestes), l’instinct du collectionneur, un appétit de travail exceptionnel, des qualités d’ordre, d’activité et de persévérance, sont absolument indispensables[1]. — Telles sont les dispositions requises. — Les exercices de critique externe sont si amers pour les sujets qui n’ont pas ces dispositions, et, dans ce cas, les résultats obtenus sont si peu en rapport avec le temps dépensé, que l’on ne saurait s’assurer avec trop de soin de ses aptitudes avant d’« entrer en érudition ». Le sort de ceux qui, faute de conseils éclairés, donnés à temps, s’y sont fourvoyés et s’y épuisent en vain, est lamentable, surtout s’ils sont fondés à croire qu’ils auraient pu être utilisés plus avantageusement ailleurs[2].

  1. La plupart des érudits de vocation ont, à la fois, l’aptitude à résoudre des problèmes et le goût des collections. Toutefois il est facile de les classer en deux catégories, suivant qu’ils marquent une préférence, soit pour les travaux d’art de la critique de restitution ou de la critique de provenance, soit pour les travaux de collection, qui sont plus absorbants et plus grossiers. J. Havet, passé maître dans l’étude des problèmes d’érudition, se refusa toujours à entreprendre un recueil général des diplômes royaux mérovingiens que ses admirateurs espéraient de lui ; à cette occasion, il exprimait volontiers « son peu de goût pour les œuvres de longue haleine ». (Bibliothèque de l’École des chartes, 1896, p. 222.)
  2. On dit communément, au contraire, que les exercices d’érudition (de critique externe) ont, sur les autres travaux historiques, cet avantage qu’ils sont à la portée des médiocres, et que les intelligences les plus modestes, pourvu qu’elles aient été convenablement dressées, y trouvent à s’employer. — Il est vrai que des esprits sans élévation et sans vigueur peuvent être utilisés pour des travaux d’érudition ; mais encore faut-il qu’ils