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se distrayait « à des amusettes en apparence frivoles, comme de deviner un mot carré ou de déchiffrer un cryptogramme[1] ». Instincts profonds, et, malgré les perversions puériles ou ridicules qu’ils présentent chez quelques individus, hautement bienfaisants ! Après tout, ce sont des formes, les formes les plus rudimentaires, de l’esprit scientifique. Ceux qui en sont dépourvus n’ont rien à faire dans le monde des érudits. Mais les candidats aux recherches d’érudition seront toujours très nombreux ; car les travaux d’interprétation, de construction et d’exposition requièrent des dons plus rares : tous ceux qui, jetés par hasard dans les études historiques et désireux de s’y rendre utiles, manquent de tact psychologique et ont de la peine à rédiger, se laisseront toujours séduire par l’agrément simple et tranquille des besognes préparatoires.

Mais il ne suffit point de s’y plaire pour réussir dans les travaux d’érudition. Des qualités sont nécessaires, « auxquelles la volonté ne supplée pas ». Quelles qualités ? Ceux qui se sont posé cette question ont répondu vaguement : « Des qualités plutôt morales qu’intellectuelles, la patience, la probité de l’esprit… ». Ne serait-il pas possible de préciser davantage ?

Des jeunes gens qui n’éprouvent pour les travaux de critique externe aucune répugnance a priori, ou même qui seraient disposés à les préférer, en sont — c’est un fait d’expérience — totalement incapables. La chose n’aurait rien d’embarrassant s’ils étaient par ailleurs atteints de débilité intellectuelle, car leur incapacité à

  1. Bibliothèque de l’École des chartes, 1896, p. 88. — Comparez des traits analogues dans l’intéressante biographie intellectuelle de l’helléniste, paléographe et bibliographe Charles Graux, par E. Lavisse (Questions d’enseignement national, Paris, 1885, in-18, p. 265 et suiv.)