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ouvriers n’ont pas les mêmes fonctions. Bien que la plupart des érudits ne se soient pas rigoureusement spécialisés jusqu’ici, et, pour varier leurs plaisirs, exécutent volontiers des ouvrages d’érudition de diverses sortes, il serait facile d’en nommer qui sont des ouvriers en catalogues descriptifs et en index (archivistes, bibliothécaires, etc.), d’autres qui sont plus spécialement surtout des « critiques » (nettoyeurs, restaurateurs et éditeurs de textes), d’autres qui sont surtout des fabricants de regestes. — « Du moment où il est bien convenu que l’érudition n’a de valeur qu’en vue de ses résultats, on ne peut pousser trop loin la division du travail scientifique[1] », et l’avancement des sciences historiques est corrélatif à la spécialisation de plus en plus étroite des travailleurs. S’il était possible naguère que le même homme se livrât successivement à toutes les opérations historiques, c’est que le public compétent n’avait pas de grandes exigences : on réclame aujourd’hui de ceux qui font la critique des documents des soins minutieux, une perfection absolue, qui supposent une habileté vraiment professionnelle. Les sciences historiques en sont arrivées maintenant à ce point de leur évolution où, les grandes lignes étant tracées, les découvertes capitales ayant été faites, il ne reste plus qu’à préciser des détails ; on a le sentiment que la connaissance du passé ne peut plus progresser que grâce à des enquêtes extrêmement étendues et à des analyses extrêmement approfondies dont, seuls, des spécialistes sont capables.

Mais rien ne justifie mieux la répartition des travailleurs en « érudits » et en « historiens » (et celle des érudits entre les diverses spécialités de la critique

  1. E. Renan, L’Avenir de la science, p. 230.