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certaines « Annales », des filiations imaginaires, d’après des indices superficiels, les auraient discrédités, si c’était possible. — Et puis, il est louable de réagir contre ceux qui ne mettent jamais en question la provenance des documents ; mais c’est aller trop loin que de s’intéresser exclusivement, par réaction, aux périodes de l’histoire dont les documents sont de provenance incertaine. Les documents de l’histoire moderne et contemporaine ne sont pas moins dignes d’intérêt que ceux de l’antiquité ou du haut moyen âge, parce que leur provenance apparente, étant presque toujours la vraie, ne soulève point de ces délicats problèmes d’attribution où se déploie la virtuosité des critiques[1].

Il ne faut pas s’en contenter. — La critique de provenance, comme celle de restitution, est préparatoire, et ses résultats sont négatifs. Elle aboutit en dernière analyse à éliminer des documents qui n’en sont pas et qui auraient fait illusion : voilà tout. « Elle apprend à ne pas employer de mauvais documents, elle n’apprend pas à tirer parti des bons[2]. » Ce n’est donc pas toute « la critique historique » ; c’en est seulement une assise[3].

  1. C’est parce qu’il est nécessaire de soumettre les documents de l’histoire de l’antiquité et du moyen âge à la critique de provenance la plus sévère que l’étude de l’antiquité et du moyen âge passe pour plus « scientifique » que celle des temps modernes. Elle n’est que plus encombrée de difficultés préliminaires.
  2. Revue philosophique, 1887, II, p. 170.
  3. La théorie de la critique de provenance est aujourd’hui faite, ne varietur ; elle est exposée en détail dans le Lehrbuch de E. Bernheim, p. 242-340. C’est pourquoi nous n’avons éprouvé aucun scrupule à la résumer brièvement. — En français, l’Introduction de M. G. Monod à ses Études critiques sur les sources de l’histoire mérovingienne (Paris, 1872, in-8) contient des considérations élémentaires (cf. Revue critique, 1873, I, p. 308).