Page:Langlois - Rig Véda.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.
62
[Lect. III.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

tu l’as attaqué, les Marouts étant près de toi. Sous les flèches de ton arc, les Sanacas[1] ont trouvé la mort de mille manières ; ils ont péri, ces êtres qui ne connaissent pas les sacrifices.

5. Ces impies, qui osaient lutter contre des (dieux) amis des sacrifices, tournèrent honteusement la tête, ô Indra, quand du haut des airs, à la face du ciel et de la terre, monté sur ton char, ferme, terrible, tu soufflas sur ces misérables.

6. Ils avaient attaqué l’armée du grand Indra ; les religieux[2] Angiras priaient en détresse. Tels que de vils eunuques qui voudraient combattre contre un héros, vaincus et troublés, (nos ennemis) furent précipités, et s’enfuirent devant Indra.

7. Et toi, Indra, sur les frontières de ton brillant empire tu combattais ces ennemis, qui, après avoir ri, pleuraient leur folie. Du haut du ciel, tes feux venaient consumer le brigand. Tu protégeais celui qui t’offre des hymnes et des libations.

8. Brillants d’or et de pierreries, nos cruels adversaires couvraient la terre, et s’enorgueillissaient de leurs forces. Ils n’ont pu surpasser Indra, qui les a vus s’évanouir à l’éclat du soleil.

9. Indra, tu embrasses également par ta grandeur et la terre et le ciel. (Excité) contre ces mécréants par nos chants respectueux, Indra, tu as soufflé sur le brigand.

10. Le puissant Indra a touché de sa foudre ces (nuages) qui du ciel n’arrivaient pas à la surface de la terre, et qui de leurs voiles magiques semblaient envelopper (le brigand) riche de ces dépouilles. De son trait lumineux, il a fait jaillir le lait des vaches (célestes).

11. Les ondes enlevées à Vritra coulaient au gré de nos souhaits. Cependant (l’impie) reprenait ses forces au sein des rivières. Indra, poursuivant son dessein, a d’un trait vigoureux, durant plusieurs jours, détruit son espoir.

12. Il a brisé la porte de cette caverne, où (Vritra) tenait les eaux enfermées avec lui. Indra a déchiré Souchna[3] aux cornes (menaçantes). Telle fut, ô Maghavan, ta rapidité, telle fut ta vigueur, quand de ta foudre tu frappas ton ennemi avide de combattre !

13. Le trait du dieu tomba sur ces (faibles) adversaires ; fort et acéré, il brisa leurs villes (aériennes)[4]. La foudre atteignit Vritra, et Indra, à la vue de son rival terrassé, livra son âme à la joie.

14. Tu as sauvé Coutsa[5], ton favori. Tu as sauvé dans les combats le vaillant Dasadyou[6]. La poussière soulevée par le pied de tes coursiers s’élevait jusqu’au ciel, (au moment où) le fils de Switrâ se dressait pour lutter contre des héros.

15. Tu l’as sauvé ce vaillant fils de Switrâ, ô Maghavan, lorsque, fort de ta protection, il marchait sur les eaux pour regagner la terre. Daigne aussi faire retomber la douleur et la honte sur nos ennemis, qui depuis longtemps veillent ici pour nous surprendre !


HYMNE II.

Aux Aswins, par Hiranyastoûpa.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. (Dieux) intelligents, venez aujourd’hui trois fois[7] vers nous. Merveilleuse est votre course, ô Aswins ! (merveilleux sont) vos bienfaits. Vous êtes liés dans votre carrière comme le jour et la nuit. Les sages vous arrêtent pour vous rendre hommage.

2. Trois roues soutiennent votre char chargé de doux aliments, quand vous venez près de la bien-aimée de Soma[8]. C’est là un mystère connu de tous. Sur ce char s’élèvent trois poteaux d’appui. Âswins, vous venez trois fois la nuit et trois fois le jour.

  1. Ainsi s’appellent les compagnons de Vritra. La mère de Vritra, Dânou, tire son nom du verbe , qui signifie donner. Le mot Sanaca a une étymologie analogue : san veut aussi dire donner. Serait-ce un simple effet du hasard, que le rapprochement de Dânou et de Danaé chez les Grecs ?
  2. Ce mot est la traduction de Navagwa, qui semble être le surnom d’une tribu d’Angirasas.
  3. Vritra est quelquefois appelé Souchna (le Desséchant), parce qu’en retenant les eaux il cause la sécheresse. Les mauvais génies ont des cornes comme les animaux sauvages, qu’au dernier vers de l’hymne précédent on appelle aussi Sringin. Voy. lecture i, note 1, col. 1, page 7.
  4. Voy. lecture i, note 2, col. 2, page 6.
  5. Poëte et Richi protégé par Indra, qui le prit un jour sur son char.
  6. Les noms de Dasadyou et de Switrâ, sa mère, ne me sont connus que par les détails que donne ici le poëte.
  7. Le nombre trois, ainsi répété, fait allusion sans doute au trichavana, ou aux trois moments de la journée où se font les sacrifices. La nuit, comme le jour, est partagée en trois époques.
  8. Le commentateur pense qu’il est ici question de Soma, dieu de la lune, et de l’une des constellations considérées comme ses épouses. Je crois que Soma est la libation, et que sa bien-aimée est la flamme d’Agni. Ces aliments dont est chargé le char des Aswins sont, ou les offrandes qu’on fait à ces dieux, ou les biens dont ils comblent les hommes.