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[Lect. II.]
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RIG-VÉDA. — SECTION SEPTIÈME.



HYMNE IX.
À Soma, par Pavitra, fils d’Angiras.
(Mètre : Djagatî.)

1. Des lèvres[1] de (Soma), qui respire avec bruit, coulent tous ces (flots) qui sont frères, et s’assemblent au foyer de Rita. Le (divin) et pieux Asoura apparaît avec ses trois têtes[2] ; et ses vaisseaux transportent le sacrificateur.

2. Les grands (Richis) se réunissent ; ils lancent le (dieu), qu’avec empressement ils mêlent au torrent des ondes. Pères de l’hymne, ils augmentent avec le miel de la libation le vaste corps d’Indra.

3. Les (flots) sont entrés aux vases des purifications à la voix (de l’hymne qui les appelle). Le père antique[3] surveille leur œuvre. Le grand (dieu, surnommé) Varouna[4], quitte le Samoudra[5], et les sages consomment ses (ondes) protectrices.

4. Sur le dos du brillant (Agni)[6] coulent de tous côtés les mille torrents (de ce dieu), dont la langue est aussi douce que le miel. Ses splendeurs rapides éclatent tout d’un coup, et vont de place en place (sur le foyer) s’attacher par mille chaînes[7].

5. (Ces rayons) brillants arrivent au son des hymnes ; ils brûlent les impies ; ils repoussent par leur (sainte) magie cette race, à peau noire, ennemie d’Indra, et (la chassent) loin du Ciel et de la Terre, ces deux grands parents (du monde).

6. Nés à la voix de l’hymne, doués d’une heureuse rapidité, ils s’étendent jusque dans l’antique domaine (de l’air)[8]. Privés de la vue et de l’ouïe, les impies s’éloignent de la voie du sacrifice, et se gardent d’en approcher.

7. Les sages éclairés élèvent leurs voix en l’honneur de ce (dieu) pur, qui lance de tout côté ses mille torrents. Touchés de leurs accents, les rapides enfants de Roudra, nobles protecteurs des hommes, se montrent sous des formes brillantes.

8. Le puissant gardien du Sacrifice ne saurait faillir : il contient en lui les trois êtres purifiants[9]. Ce (dieu) sage voit tous les mondes ; il frappe les impies et détruit leurs œuvres.

9. Les Ondes tombées de la langue de Varouna[10] dans le vase des purifications ont formé, par une (pieuse) magie, la longue toile du sacrifice. Les sages, qui ont produit cette merveille, ne l’ont obtenue (que par leur piété). (L’homme) impuissant dans ses œuvres doit faillir ici-bas.


HYMNE X.
À Soma, par Cakchivan, fils de Dirghatamas.
(Mètres : Djagatî et Trichtoubh.)

1. (Soma) naît, et, tel que le nourrisson, il crie dans le (vase) de bois qui le contient. Rapide et superbe, il apporte le bonheur. Il vient du ciel s’unir au lait vivifiant (de la bouche). Adressons nos prières à ce (dieu) noble et protecteur.

2. Étendu et ferme, Soma soutient le ciel ; et le voilà qui remplit (nos coupes), et circule dans notre sacrifice. L’hommage dont ce (dieu) sage honore ces deux grands compagnons de voyage, le Ciel et la Terre, a la puissance de déchirer (le nuage) pour en faire descendre l’abondance.

3. La grande et douce libation de soma a été préparée. Une large voie (est ouverte à Indra), s’il veut visiter le foyer d’Aditi[11]. Car (Indra) est le maître de la pluie ; il est généreux et digne de nos éloges ; accompagné des Vaches (célestes), il conduit les Ondes, et se montre prompt à nous secourir.

4. La tige[12] pleine du jus de soma a été broyée. Il en naît un beurre divin, un lait (merveilleux),

  1. Le poëte désigne ainsi le pressoir.
  2. Je suppose que ces têtes sont une allusion aux trois Savanas, et qu’il faut donner au mot moûrdhnah le sens de sources : cependant le commentaire traduit ce même mot par lokân (monde).
  3. J’entends ces mots du Sacrifice personnifié. Le commentaire les fait rapporter à Soma lui-même.
  4. C’est ici un nom de Soma, qui couvre tout de son éclat.
  5. Nous savons que c’est le nom du vase qui contient les libations. Le commentaire croit qu’il est ici question de l’Océan céleste (antarikcha).
  6. Le commentaire persistant dans l’idée précédente, pense que le poëte représente ici les flots de Soma couvrant le ciel pour retomber en pluie. J’ai vu dans ce passage la peinture de la libation coulant sur le foyer.
  7. Ce sens, qui m’appartient, diffère essentiellement de celui du commentateur, qui dit que les rayons de Soma lient et attachent les pécheurs.
  8. Ce sens est celui du commentaire, qui rend le mot mânât par antarikchât.
  9. Ce sont, suivant le commentaire, Agni, Vâyou, Soûrya.
  10. Nom de Soma. Voy. ci-contre, col. 1, note 4.
  11. Nous avons vu qu’Aditi est la terre du sacrifice.
  12. Le lecteur a pu remarquer que déjà plusieurs fois j’ai traduit le mot nabhas par tige, fibre, traduction hasardée que la force des choses m’a fait adopter, et qui peut se justifier déjà en partie par le no 5 des sens attribués à ce mot nabhas dans le dictionnaire de M. Wilson.