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[Lect. VII.]
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RIG-VÉDA. — SECTION DEUXIÈME.

la foudre. Tu nous fais traverser heureusement le fleuve du mal. Préserve-nous des atteintes du méchant.

4. Ô Roudra, nous ne voulons pas t’indisposer par des hommages (imparfaits), par des hymnes inconvenants, par un partage (indiscret) de nos invocations. Donne, par le moyen des plantes (salutaires), la force à nos guerriers. Tu es, en effet, le médecin des médecins.

5. J’invoque Roudra, qui se plaît à recevoir nos holocaustes et nos louanges. Charmé de nos libations et de nos hymnes, que ce (dieu) beau et fort accueille notre prière.

6. Que (ce dieu) bienfaisant, uni aux Marouts, exauce les vœux que je lui adresse en même temps que ces brillantes offrandes. Je veux honorer Roudra ; et, de même que l’homme brûlé par le soleil se réfugie à l’ombre, de même je viens, fort de mon innocence, me mettre à l’abri de votre protection.

7. Qu’est devenue, ô Roudra, cette main bienfaisante et légère dont tu guéris (les maux humains) ? Tu effaces les torts causés par les autres dieux : généreux (défenseur), sois clément pour moi.

8. Au (dieu) protecteur, libéral, et qui se revêt de couleurs blanches, j’adresse cet hymne solennel. Pénétrés d’une profonde vénération, nous chantons l’éclatante et adorable puissance de Roudra.

9. Roudra, terrible à la fois et bienfaisant, apparaît, multipliant les formes de ses membres d’or, solides et brillants. L’esprit vital est inhérent à ce (dieu), maître du monde qu’il soutient.

10. Avec une majesté digne de toi tu portes un arc et des flèches, un adorable collier orné diversement ; tu protéges avec honneur tout ce vaste univers. Ô Roudra, personne n’est plus puissant que toi.

11. Chante donc ce (dieu) jeune et renommé, porté sur un char (brillant), fléau (de ses ennemis), terrible et redoutable comme le lion. Ô Roudra, favorise le chantre qui te loue ! Que tes compagnons exterminent tout autre que nous.

12. Je m’approche de toi, ô Roudra, et je te salue avec le respect qu’un jeune fils a pour son père. Je célèbre le (dieu) magnifique et maître de la piété. Pour prix de nos éloges, accorde-nous des plantes salutaires.

13. Ô bienfaisants Marouts, ces plantes qui viennent de vous, pures, salutaires, merveilleuses, (ces plantes) que Manou notre père a préférées, je les demande pour nous à l’heureux Roudra.

14. Que le trait de Roudra nous épargne. Que la fureur de ce (dieu) brillant aille s’exercer ailleurs. Sois généreux pour nous, comble-nous de biens solides, et protége notre race.

15. Dieu fort, libéral et prudent, retiens ta colère et tes coups. Écoute notre invocation, ô Roudra ! sois sensible à nos hommages. Pères d’une heureuse lignée, puissions-nous chanter longtemps encore dans le sacrifice !


HYMNE XI.

Aux Viswadévas, par Gritsamada.

(Mètres : Anouchtoubh et Djagatî.)

1. Les Marouts amènent la pluie ; et, doués d’une force victorieuse, aussi redoutables que des lions, adorables pour leur puissance, brillants de vives clartés, amis des libations, ils soufflent la tempête, et poussent les vaches (célestes).

2. De même que les airs s’animent du feu des étoiles, ces terribles (combattants), qui lancent la pluie, s’illuminent du feu des éclairs. Ô Marouts ornés d’un collier d’or, Roudra vous a enfantés dans le sein brillant et fécond de Prisni[1].

3. Ils lancent leurs rapides coursiers, qui semblent se couvrir d’écume, et ils se précipitent par les brèches qu’ils font au (nuage) retentissant. Ô Marouts à la face dorée, pressez vos daims légers, et venez, d’un concert unanime, recueillir nos offrandes.

4. En échange de ces offrandes, ils nous apportent les trésors des mondes (supérieurs), prodiguant à leur ami tous leurs bienfaits et leurs constantes faveurs, dirigeant (vers lui) sans hésitation leurs daims rapides, et chargés du fardeau des biens qu’ils répandent.

5. Ô Marouts, animés tous d’un même esprit, et armés de traits resplendissants, (venez) avec ces vaches brillantes qui frémissent sous le bruit (du tonnerre) ; et, suivant une heureuse voie, accourez à nos enivrantes libations comme les cygnes à leurs lacs favoris.

  1. Prisni (voy. page 53, col. 1, note 5 ; page 66, col. 1, note 1 ; page 153, col. 2, note 1) est un nom que l’on donne à la terre, et même à l’air. Mais il me semble ici que ce mot, qui signifie multicolor, doit se rapporter au nuage. C’est au sein du nuage que Roudra, c’est-à-dire l’air, enfante les vents. Deux mots de cette phrase, vrichan, qui signifie taureau, et oudhan, qui veut dire mamelle, ont donné lieu à une légende. On suppose que Roudra, changé en taureau, a eu les Marouts de la Terre, changée en vache.