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[Lect. VI.]
INDE. — POÉSIE LYRIQUE.

a frappé les nuages irrités[1], qui a étendu les espaces de l’air et affermi le ciel : peuples, c’est Indra.

3. Celui qui, en donnant la mort à Ahi, a déchaîné les sept fleuves[2] ; qui a délivré les vaches prisonnières de Bala[3] qui, terrible dans les combats, entre deux nuages, a enfanté Agni[4] : peuples, c’est Indra.

4. Celui qui a ranimé tous les êtres ; qui a renvoyé dans sa caverne[5] (ténébreuse) le vil Asoura ; qui, tel que le chasseur, vainqueur d’innombrables ennemis, s’empare de leurs dépouilles : peuples, c’est Indra.

5. (Les Asouras) se demandent : Où est-il ? et, en le voyant si redoutable, ils se disent : Ce n’est pas lui. Cependant il détruit ses ennemis, qui se partageaient entre eux les richesses. Ayez foi en lui, peuples, c’est Indra.

6. Celui qui mérite la prière et du riche et du pauvre, du prêtre et du poëte qui le supplient ; qui, distingué par sa belle face, est le gardien du soma que lui présente la coupe (sacrée) : peuples, c’est Indra.

7. Celui à qui appartiennent les chevaux, les vaches, les bourgs, tous les chars ; qui a produit le Soleil et l’Aurore, et qui conduit les ondes : peuples, c’est Indra.

8. Celui que semblent provoquer avec leurs clameurs deux armées de nuages, ses ennemis, l’une supérieure, l’autre inférieure[6] ; celui que les (Âswins), portés sur le même char, appellent à plusieurs reprises : peuples, c’est Indra.

9. Celui qui donne la victoire aux combattants ; que les guerriers appellent à leur secours ; qui a tout formé à son image, et qui communique le mouvement aux êtres inanimés : peuples, c’est Indra.

10. Celui qui n’est méchant que pour frapper sans relâche le pécheur et l’impie ; qui ne saurait pardonner à l’insolence, et qui terrasse le Dasyou : peuples, c’est Indra.

11. Celui qui, à notre quarantième libation[7], a tué Sambara, l’habitant des nuages ; qui a frappé à mort Ahi, l’enfant de Dânou, Ahi que nous voyions grossir et s’arrêter languissamment : peuples, c’est Indra.

12. Celui qui, orné de sept rayons, généreux et rapide, a donné l’essor aux sept fleuves ; qui, armé de la foudre, a frappé Rohin[8] escaladant le ciel : peuples, c’est Indra.

13. Celui devant qui se courbent le ciel et la terre ; dont les montagnes (célestes) redoutent la puissance ; qui, après avoir bu le soma, se trouve affermi, et arme son bras de la foudre : peuples, c’est Indra.

14. Celui qui couvre de sa protection l’homme que recommandent ses libations, ses offrandes, ses hymnes, ses prières ; qui se sent exalté par nos sacrifices, notre soma, nos présents : peuples, c’est Indra.

15. (Dieu) invincible, tu accorderas l’abondance à l’homme qui te fait des libations et des offrandes : car tu es juste. Puissions-nous, Indra, être tes amis, avoir la fortune en partage, et renouveler chaque jour notre sacrifice !


HYMNE V.

À Indra, par Gritsamada.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. La saison (des pluies) est la mère de la plante (du soma) ; (la plante) naît et croît rapidement au milieu des eaux dont elle est entourée. Elle pousse des branches qui s’emplissent de suc. Mais ce qui donne au soma cet accroissement[9], voilà ce que d’abord il faut chanter.

2. Des ruisseaux de jus coulent de toute part, et se rendent vers un même vase[10] qui les contient. Ils ne suivent tous qu’une même voie. Ô toi

  1. Le mot parvata signifie montagne et image. Les Pourânas racontent qu’autrefois les montagnes avaient des ailes, et se transportaient d’elles-mêmes à travers les airs. La foudre d’Indra leur trancha ces ailes, et depuis ce temps elles sont immobiles. Ce conte n’est qu’un abus de mots, et le commentateur le rappelle à l’occasion de ce vers.
  2. Voy. page 61, col. 1, note 3.
  3. Voy. page 44, col. 1, note 7.
  4. C’est-à-dire Twachtri, feu de la foudre.
  5. Cette caverne, c’est le ciel nocturne, c’est la nuit elle-même et les ténèbres.
  6. Dans ce passage, où le commentateur introduit le ciel et la terre, j’ai cru retrouver l’idée que j’ai déjà exprimée section I, lecture vii, vers 5 et 6 ; je veux dire la peinture de deux nuages orageux, dont l’un est placé au-dessus de l’autre, et qui s’avancent en même temps.
  7. Le commentateur dit : dans la quarantième année, et littéralement, le quarantième automne. Je ne comprends pas que le dieu attende si longtemps pour exaucer ses serviteurs ; je me suis cru autorisé à rendre encore ici le mot sarad par libation, comme je l’ai déjà fait plusieurs fois. Autrement, je ne verrais tout au plus dans sarad qu’un jour d’automne.
  8. Nom d’un Asoura.
  9. Ce qui donne cet accroissement à la plante, c’est le sacrifice, ou bien c’est Indra, qui a envoyé la pluie.
  10. Ce vase s’appelle Samoudra : il est comme une mer vers laquelle se rendent ces rivières de libations.